L'Azerbaïdjan pense qu'un missile russe a causé le crash d'un avion au Kazakhstan
Stéphanie De Muru
Les autorités azerbaïdjanaises pensent que c'est un missile russe qui a causé le crash de l'avion Azerbaijan Airlines au Kazakhstan mercredi. Plus tôt ce jeudi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait assuré qu'il fallait "attendre la fin de l'enquête" au lieu de spéculer.
Un responsable américain sous couvert de l'anonymat et l'Azerbaïdjan, selon des médias, ont pointé jeudi vers une responsabilité russe pour expliquer le crash d'un avion d'Azerbaijan Airlines au Kazakhstan mercredi, faisant 38 morts, mais de nombreuses questions restent en suspens. Des experts avaient aussi évoqué la possibilité que l'appareil, qui transportait 67 personnes, ait été abattu par erreur par la défense antiaérienne russe, même si cette hypothèse n'a pas été confirmée de façon officielle.
La défense antiaérienne russe pointée du doigt
Les premières informations pointent vers la responsabilité d'un système russe de défense antiaérienne, a affirmé jeudi un responsable américain. Les déclarations de ce responsable, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, interviennent après la publication d'informations de certains médias internationaux selon lesquels les autorités azerbaïdjanaises pensent qu'un missile russe est à l'origine de ce crash.
Des experts militaires et d'aviation ont affirmé, commentant des impacts visibles sur l'épave de l'appareil Embraer 190, qu'il avait pu être abattu par accident par un système russe de défense antiaérienne lors de son approche de son aéroport de destination.
La chaîne internationale Euronews a indiqué qu'un missile sol-air russe avait provoqué le crash, citant des sources gouvernementales azerbaïdjanaises sous couvert d'anonymat. Le missile aurait été tiré durant "une activité aérienne de drones au-dessus de Grozny", capitale de la Tchétchénie où l'avion devait atterrir, a ajouté le média. Caliber, un site azerbaïdjanais progouvernemental, a indiqué qu'il s'agissait probablement d'un missile de système de défense antiérienne Pantsir-S, citant, là encore, des sources gouvernementales. Le journal américain The New York Times a publié des informations similaires.
De nombreuses attaques de drones en Tchétchénie
L'avion, qui s'est finalement écrasé au Kazakhstan, de l'autre côté de la mer Caspienne, reliait l'Azerbaïdjan à la république russe de Tchétchénie, où des attaques de drones ukrainiens avaient été rapportées ces dernières semaines.
Mercredi, les autorités russes avaient fait part de frappes de drones dans deux régions voisines de la Tchétchénie, l'Ossétie du Nord et l'Ingouchie, à des centaines de kilomètres de la ligne de front ukrainienne. Des trous visibles sur le fuselage de l'avion sont parmi les éléments cités pour soutenir cette piste.
"Les traces qu'on voit sur l'avion laissent quand même penser que c'est assez probable" qu'il ait été abattu par un missile, a déclaré à l'AFP Jean-Paul Troadec, ancien directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA). Un blogueur et expert militaire russe, Iouri Podoliaka, a assuré sur Telegram que ces traces étaient similaires à celles qui pourraient être causées par "un système de missiles anti-aériens".
Un ancien expert du BEA, sous couvert d'anonymat, a aussi cité comme élément "le témoignage d'un passager qui aurait reçu des éclats dans son gilet de sauvetage". Ce drame "rappelle le MH17", a-t-il estimé, en évoquant l'explosion en vol au-dessus de l'Ukraine en 2014 de cet avion de Malaysia Airlines parti d'Amsterdam, imputée par la justice néerlandaise au tir d'un missile russe. Le crash avait fait 298 morts.
La théorie des oiseaux
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a jugé jeudi qu'il "serait inapproprié d'émettre des hypothèses avant les conclusions de l'enquête". Les autorités du Kazakhstan, proche allié de la Russie, ont aussi dénoncé des "spéculations" et ouvert une investigation.
Azerbaijan Airlines a affirmé dans un premier temps que l'avion avait percuté une nuée d'oiseaux, avant de retirer cette information. Cette version a aussi été évoquée mercredi par l'agence de l'aviation civile russe (Rosaviatsia). L'ancien expert du BEA a jugé la théorie peu probable. Des impacts d'oiseaux sur la structure, "ça n'empêche pas l'avion de voler", a-t-il dit. Le département régional du ministère kazakh de la Santé a lui fait état de "l'explosion d'un ballon" à bord de l'appareil.
Une étrange trajectoire
L'avion assurait mercredi un vol entre Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, et Grozny, capitale de la république caucasienne russe de Tchétchénie. Mais il s'est écrasé de l'autre côté de la mer Caspienne, près du port d'Aktaou dans l'ouest du Kazakhstan, situé très à l'est de sa destination initiale.
L'ancien directeur du BEA, Jean-Paul Troadec, a estimé que la trajectoire suivie par l'avion était "une grosse inconnue" de l'affaire. L'agence de l'aviation civile russe (Rosaviatsia) avait indiqué mercredi qu'"en raison d'une situation d'urgence à bord de l'avion, son commandant avait décidé de 'se rendre' vers un autre aérodrome - Aktaou a été choisi".
Le site spécialisé Flightradar24, qui suit les vols, a indiqué que l'appareil avait subi durant son vol "d'importantes interférences GPS". L'avion a un temps "cessé d'envoyer des données de positionnements" puis a envoyé des données "probablement fausses", avant que la situation ne revienne à la normale, a affirmé le site.
29 personnes ont survécu
L'avion transportait 62 passagers et cinq membres de l'équipage. Selon le ministère kazakh des Situations d'urgence, 38 personnes ont été tuées et "29 survivants, parmi lesquels trois enfants, ont été hospitalisés". Il y avait 37 ressortissants azerbaïdjanais, six ressortissants kazakhs, trois citoyens kirghiz et 16 citoyens russes à bord de l'appareil, selon le ministère kazakh des Transports.
Quatorze survivants sont arrivés jeudi en Azerbaïdjan, selon l'agence Tass, tandis que neuf blessés russes, dont un enfant, ont eux été ramenés en Russie, d'après les autorités de ce pays. Le père d'une hôtesse de l'air tuée, Hokoumé Alieva, a déclaré à l'AFP que cela devait être le dernier vol de sa fille avant qu'elle ne change de métier.