Brexit, saison 2, épisode 372. Mardi, le Parlement britannique s'est réuni une énième fois pour se prononcer sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Après avoir rejeté mi-janvier le projet d'accord négocié pendant un an et demi par Theresa May avec les 27 membres de l'Union européenne, les députés lui ont demandé de retourner sur le front Bruxellois pour améliorer sa copie. Problème : la commission européenne a immédiatement réagi en disant qu'elle n'était pas prête à réengager des discussions. La situation semble bloquée une fois de plus, alors que la date officielle du Brexit est fixée au 29 mars à minuit heure de Londres. Si elle devait être respectée, c'est probablement une sortie sans accord qui se profile.
May est renvoyée à Bruxelles pour négocier, Bruxelles refuse
Pour obtenir une majorité au Parlement mardi, Theresa May a fait une concession. Elle qui avait négocié pied à pied l'accord du Brexit, et martelé pendant des mois qu'il s'agissait du "meilleur possible", a accepté de céder face à des députés qui veulent absolument le modifier. Cette modification concerne un point précis : le "backstop", ce "filet de sécurité" qui doit permettre d'éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Ce dispositif, par ailleurs peu précis, est critiqué notamment par les unionistes, qui estiment qu'il va créer une autre frontière, entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. Mais aussi par les partisans d'un Brexit "dur", qui voient là un moyen de maintenir encore le Royaume-Uni dans l'union douanière européenne. Theresa May doit donc désormais aller convaincre Bruxelles de modifier cet aspect de l'accord.
Or, rien n'est moins aisé. "Il existe un appétit limité pour un tel changement au sein de l'UE", a d'ailleurs reconnu, non sans euphémisme, Theresa May. "Le négocier ne sera pas facile." Bruxelles lui a donné raison quelques minutes seulement après le vote. "L'accord de retrait n'est pas renégociable", a déclaré un porte-parole du président du Conseil européen, Donald Tusk. "Les conclusions du sommet européen de décembre sont très claires sur ce point." La situation a été très bien résumée mercredi en une du quotidien The Independant : "20h41 : les députés renvoient May à Bruxelles pour un nouvel accord ; 20h47 : l'UE dit non."
La perspective d'une sortie sans accord
Quand bien même Bruxelles changerait d'avis, tenir la date du 29 mars 2019 semble illusoire. Theresa May a bien assuré aux députés qu'elle reviendrait avec une copie modifiée à la mi-février. Mais les deux partis ont mis deux ans à négocier une première version, il est donc plus qu'improbable que deux semaines suffisent pour en avoir une deuxième. Or, il est nécessaire d'aller très vite pour laisser au Parlement britannique le temps d'examiner et d'approuver un nouveau "deal".
Mardi, certains députés ont bel et bien essayé de faire passer un amendement pour reculer la date du Brexit à la fin 2019 si aucun accord n'est voté par le Parlement. En vain. Si rien ne bouge, on se dirige donc vers une sortie le 29 mars sans un accord. Un "no deal" qui effraie tant au Royaume-Uni qu'au sein de l'Union européenne, les conséquences notamment économiques et commerciales s'annonçant désastreuses.
"Un jour sans fin"
En réalité, le Royaume-Uni et Bruxelles se livrent à ce que les Anglais appellent le "game of chicken" [littéralement "jeu du poulet"], le "jeu du dégonflé", dont le principe est simple : tenir ferme sa position en espérant que l'autre craque d'abord. Avec, dans le rôle du repoussoir, un "no deal" le 29 mars.
Une autre option s'ouvre à Theresa May. La Première ministre peut difficilement retourner à Bruxelles en projetant simplement de retravailler le "backstop". En revanche, "si les intentions du Royaume-Uni pour le futur partenariat devaient évoluer, l'UE serait prête à reconsidérer son offre et à adapter le contenu et le niveau d'ambition de la déclaration politique", a précisé le porte-parole de Donald Tusk mardi. Autrement dit, si Theresa May arrive avec une volonté de revoir plus profondément l'accord, les 27 ne pourront que lui ouvrir la porte. Mais, là encore, il sera très compliqué de tenir les délais.
Quoi qu'il en soit, la lassitude et la fatigue commencent à poindre à Bruxelles. Lundi, l'adjointe de Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit au nom de l'UE, a laissé échapper une comparaison sévère lors d'une conférence de presse : "On se croirait dans Un jour sans fin." Dans ce film, de 1993, Bill Murray incarne un présentateur météo contraint et forcé de revivre sans cesse la même journée de sa vie.