C'est l'un des rares point positifs que l'on peut trouver à la pandémie mondiale de Covid-19. La crise sanitaire, particulièrement violente au Brésil, a permis au pays de prendre conscience du sort que l'Etat fédéral imposait aux tribus amazoniennes. C'est en tout cas le point de vue qu'exprime le photographe engagé Sebastião Salgado, invité de l'émission Culture Médias pour son livre Amazônia, publié le 20 mai prochain, et l'exposition à la Philharmonie de Paris qui l'accompagne.
"Je ne peux pas dire que c'était une bonne chose pour l'Amazonie, parce qu'on a perdu beaucoup de vies humaines, dont beaucoup d'Indiens", prévient le photographe. Mais il se réjouit que la crise ait permis aux Brésiliens de prendre enfin conscience d'un problème au sujet duquel il tirait la sonnette d'alarme depuis longtemps.
"Les Indiens n'ont pas d'anticorps pour les maladies qui viennent d'en-dehors de la forêt"
Fin avril, Sebastião Salgado a fait publier dans les journaux brésiliens un appel au gouvernement et aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire du pays, signé par plus de 60 grandes personnalités du monde entier. Parmi elles, Sting, Gilberto Gil, Meryl Streep, Juliette Binoche, Guillermo del Toro, Pedro Almodovar, Nicolas Hulot et le prince Albert.
"Nous avons demandé à ce que le gouvernement brésilien et les trois pouvoirs créent une ceinture sanitaire de protection des Indiens de l'Amazonie", précise Sebastião Salgado. "Ils étaient menacés de destruction totale, car les Indiens n'ont pas d'anticorps pour les maladies qui viennent d'en-dehors de la forêt."
"Ça a eu un effet tellement incroyable que toute la presse en a parlé !", se réjouit le photographe. Et la question de la crise sanitaire crée une prise de conscience plus large. "A partir de ce moment, il y a eu un réveil énorme des préoccupations quant au sort des Indiens. Et avec lui, un réveil de la préoccupation de la protection de l'écosystème amazonien."
Un changement d'esprit collectif aussi inattendu que bienvenu dans le pays dirigé par Jair Bolsonaro. "C'était ma préoccupation avec le début du Covid-19. C'est maintenant notre préoccupation. Les Brésiliens se préoccupent désormais de l'Amazonie", résume Sebastião Salgado.