Le Dalaï-lama a achevé mercredi sa visite à Paris devant les étudiants de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), appelant à "préserver la langue et la littérature tibétaines", un "véhicule unique" pour l'étude du bouddhisme fragilisé par la domination chinoise. "Voulez-vous que je parle en anglais ou en tibétain ?", a lancé Tenzin Gyatso, 81 ans, à l'assistance. "En tibétain !", lui ont répondu les étudiants.
Une langue en danger. Enseigné depuis 1842 à l'Inalco, l'un des premiers établissements publics occidentaux à proposer un tel cursus, le tibétain se décompose en pas moins de 50 langues et 200 dialectes, pour six millions de locuteurs. Mais l'annexion du Tibet par la Chine dans les années 1950 et l'exil de plusieurs dizaines de milliers de Tibétains a fortement fragilisé ce patrimoine linguistique et culturel. "Le tibétain est devenu une langue minoritaire dans son propre pays", a déploré devant le Dalaï-lama Françoise Robin, responsable de la section Tibet à l'Inalco.
Inséparable du bouddhisme. En Chine, "certains considèrent cette identité culturelle, philosophique tibétaine comme une menace, mais il faut espérer qu'il en aille différemment dans le futur", a espéré le chef spirituel des Tibétains, volontiers optimiste. Selon le Dalaï-lama, la littérature du Tibet est d'une richesse incomparable sur le dharma, l'enseignement du Bouddha, "on ne trouve pas de telles explications dans les textes sanskrits ou chinois". "La langue tibétaine reste un véhicule unique pour ce type d'études", a-t-il ajouté. "Mon conseil, c'est d'étudier la tanjur, le kanjur, le tripitaka (textes du canon bouddhique, ndlr) en lien avec la logique, les sciences de l'esprit, la philosophie", a-t-il poursuivi, "en conservant l'esprit critique, comme le Bouddha l'a enseigné". Le dignitaire s'est élevé contre "certains enseignements du bouddhisme tibétain où il ne faut jamais mettre en doute les paroles du maître spirituel": "Il y a là le risque de créer une certaine forme de dégénérescence", a-t-il estimé.
Après Paris, direction Strasbourg. Après Paris, le 14e Dalaï-lama, prix Nobel de la paix 1989, se rend à Strasbourg, où il achèvera dimanche sa première visite en France depuis 2011, riche en interventions publiques mais dépourvue de tout contact avec l'exécutif, manifestement soucieux de ne pas froisser Pékin. Pour sa seule intervention sur un plateau de télévision, le leader spirituel a choisi "Quotidien", l'émission de Yann Barthès, mercredi 14 septembre. Il s'exprimera jeudi au Conseil de l'Europe, dialoguera vendredi avec des scientifiques de l'université de Strasbourg, puis donnera une conférence publique "pour une éthique au-delà des religions" et des enseignements bouddhiques devant 8.000 personnes au Zénith, samedi et dimanche.