Le Kosovo fête les dix ans de sa déclaration d'indépendance samedi, jour de fierté nationale pour les Kosovars albanais, même si leur souveraineté reste rejetée par les Serbes. Depuis plusieurs jours, les couleurs jaune et bleu du drapeau couvrent Pristina, parée pour un week-end de célébrations, avec notamment dans la soirée un concert de l'enfant du pays, la pop star britannique Rita Ora.
13.000 morts en un an
En 1998, un conflit éclatait entre les forces serbes et l'UCK, la rébellion indépendantiste kosovare albanaise. Ce conflit qui fera 13.000 morts prendra fin en 1999 après onze semaines de frappes aériennes de l'Otan, menées sous l'impulsion des États-Unis pour contraindre Belgrade à retirer l'armée et la police du Kosovo. Après ce retrait, une mission de l'ONU et une force de l'Otan sont déployées au Kosovo.
Le 17 février 2008, dans une séquence parfaitement préparée avec Washington et plusieurs capitales européennes, les députés kosovars proclament l'indépendance au grand dam de Belgrade. "Pour nous tous, en tant que peuple, ce furent des moments heureux entre tous", a commenté vendredi le président kosovar Hashim Thaçi, qui fut le chef de l'UCK.
Une reconnaissance encore partielle
Avec le soutien de Moscou, la Serbie s'oppose avec succès à l'admission du Kosovo à l'ONU. Son indépendance a été reconnue par 115 pays. Mais dix ans après sa proclamation, elle n'est toujours pas reconnue officiellement par près de 80 pays dont la Russie, la Chine, l'Inde, l'Indonésie ou le Brésil.
L'Union européenne, dont cinq pays ne reconnaissent pas non plus l'indépendance du Kosovo, a fait de la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina une condition de la poursuite de leur chemin vers une intégration. Mais ce dialogue, entamé en 2011, est au point mort depuis deux ans. "La Serbie ne reconnaîtra pas le Kosovo et ne le reconnaîtra notamment pas dans le but de devenir un membre de l'UE", a prévenu cette semaine le ministre de la Défense Aleksandar Vulin.
La crainte de voir le conflit renaître
À Belgrade, des responsables évoquent mezzo voce la possibilité de redessiner les frontières. Mais les chancelleries occidentales sont hostiles à ce scénario, inquiètes de voir s'ouvrir une boîte de Pandore dans une région où les tensions inter-ethniques restent vives, près de vingt ans après la fin des guerres sanglantes qui ont conduit à l'explosion de l'ex-Yougoslavie. Le Kosovo est "indivisible", a récemment dit Hashim Thaçi. Le président américain, Donald Trump, a envoyé un message d'encouragement : "Il reste du travail à accomplir, mais nous applaudissons vos progrès".
Deux points noirs dans les relations avec l'occident
Depuis un an, les relations ont toutefois semblé se tendre entre Pristina et les Occidentaux. Ils ont notamment mis en garde Pristina contre la volonté de députés kosovars de supprimer un tribunal de magistrats internationaux chargés de juger des crimes de guerre susceptibles d'avoir été commis par d'ex-commandants de l'UCK. Des commandants qui sont toujours aux commandes du Kosovo.
Autre nuage noir, une économie au tapis, avec un tiers de la population et une moitié de la jeunesse au chômage. Beaucoup d'habitants rêvent de rejoindre les quelque 700.000 membres de la diaspora kosovare, surtout installés en Allemagne et en Suisse, dont les devises sont, avec l'aide internationale, cruciales au Kosovo.
Deux communautés qui ne se mélangent toujours pas. Pour le dernier jour d'école vendredi, les professeurs du pays ont été chargés de décrire à leurs élèves "les efforts de plusieurs années du peuple du Kosovo pour gagner sa liberté et son indépendance". Les enfants de la minorité serbe, qui pèse pour environ 120.000 personnes sur 1,8 million d'habitants, n'ont évidemment pas reçu le même discours. Les deux communautés ne se mélangent quasiment pas.