Il n’aura pas résisté longtemps face à la grogne de la rue. Le Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson a annoncé mardi qu’il allait démissionner. "Le Premier ministre a informé le groupe parlementaire du (Parti du progrès) qu'il allait démissionner de ses fonctions de Premier ministre", a ainsi déclaré en direct mardi à la télévision Sigurdur Ingi Johannsson, vice-président du parti et ministre de l'Agriculture. Une annonce qui intervient 48 heures après que le nom du Premier ministre a été cité dans l’affaire des "Panama papers".
Lundi, pas moins de 10% de la population islandaise était descendue dans la rue pour manifester sa colère auprès du dirigeant. Selon les "Panama papers", Sigmundur David Gunnlaugsson a créé en 2007 avec sa future épouse une société dans les îles Vierges britanniques, appelée Wintris, pour y parquer des millions de dollars, jusqu'à ce qu'il lui cède ses parts fin 2009 pour un dollar symbolique.
Un pays encore meurtri. L’affaire a eu du mal à passer auprès de l’opinion publique islandaise encore marquée par les scandales financiers qui ont ébranlé le pays en 2008. Le chef du gouvernement avait alors été élu, en 2013, au terme d’une longue période de défiance du peuple islandais envers la classe politique et le monde de la finance. "Les Islandais sont très choqués. Ces révélations sont un électrochoc pour eux", analyse Jérôme Skalski, auteur de La révolution des casseroles, du de la protestation des Islandais en 2008.
"Après 2008 (au moment de la crise des subprimes, trois banques islandaises ont fait faillite), les Islandais, qui étaient très endettés, ont découvert le chômage, le dévissage de la monnaie et même la soupe populaire", se souvient le spécialiste. "Ils pensaient que tout cela était enfin terminé. Ce n’était pas le cas". Fils de député et à l'origine journaliste, Sigmundur David Gunnlaugsson était donc censé incarner une rupture avec la classe politique, y compris celle de son parti, qui avait fermé les yeux sur la frénésie d'expansion des banques islandaises.
La vidéo qui a mis le feu aux poudres. Une vidéo publiée lundi sur le site internet du Guardian a contribué à la colère des Islandais. On y voit le Premier ministre interviewé par la télévision suédoise SVT. Lorsque le journaliste l’interroge sur la société Wintris, le dirigeant islandais se lève, mal à l’aise, préférant quitter la pièce quand les questions deviennent pressantes. "On rend suspect quelque chose qui ne l'est pas", s’agace-t-il à la fin de la séquence.
Le Premier ministre s’était ensuite s’est défendu d’avoir caché de l’argent dans un long billet posté sur son site Internet. Le chef de gouvernement explique que sa femme "est en règle avec le fisc islandais". "Elle n'a jamais utilisé de paradis fiscal, et on ne peut pas dire non plus que sa société est une société offshore dans le sens où elle paierait des impôts à l'étranger plutôt qu'en Islande", écrit-il.
Des milliers de manifestants avaient réclamé la démission du Premier ministre lundi en jetant du "skyr", un fromage blanc local, devant le Parlement. Ce dernier s’était dit prêt à dissoudre et convoquer des législatives anticipées si le Parti de l'indépendance, allié au Parti du progrès (au pouvoir), le lâchait. Finalement, c’est lui qui a lâché prise.