C'est une décision loin d'être anodine au regard des tensions qui émaillent les relations entre Alger et Paris. Il y a trois semaines, le président algérien Abdelmadjid Tebboune réintroduisait le troisième couplet du Kassaman, l'hymne national du pays. Seulement voilà, les paroles en question visent assez ouvertement la France. "Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra, Car nous avons décidé que l’Algérie vivra", peut-on entendre lorsque l'hymne est joué en entier.
Une situation assez peu fréquente en Algérie où, dans la majorité des cas, l'hymne se cantonne à un seul couplet. Seuls le congrès du FLN et l'investiture du président de la République permettaient au Kassaman de s'exprimer dans sa version longue. À travers ce nouveau décret, Abdelmadjid Tebboune souhaite étendre le nombre d'évènements au cours desquels le couplet en question sera déclamé. Il devra ainsi être chanté lors des "commémorations officielles en présence du président de la République" mais pas en cas de visite officielle d'un chef d'État étranger. Une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron si d'aventure le président français comptait se rendre en Algérie avant la fin de son quinquennat.
Des tensions autour de la politique migratoire
Pourtant, certains élus algériens ont bien tenté, par le passé, de convaincre le pouvoir d'abroger le couplet problématique au motif qu'il faisait de l'Algérie le seul pays au monde dont l'hymne citait nommément un autre État. Demande rejetée par une commission dédiée dans les années 1980, sous la présidence de Chadli Bendjedid. Deux tentatives similaires ont eu lieu en 1967 et en 2007, sans plus de succès.
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Cette affaire s'inscrit dans un contexte de tensions entre Paris et Alger. Depuis l'indépendance algérienne, obtenue en 1962 mettant ainsi fin à 130 années d'occupation française, les deux pays entretiennent des relations tumultueuses. Mais ces derniers mois, les anicroches ont eu tendance à se multiplier. Alger n'a pas apprécié l'exfiltration vers l'Hexagone de l'opposante franco-algérienne Amira Bouraoui, sous le coup d'une condamnation en Algérie.
Et ne goûte guère aux critiques qui lui sont adressées en France à propos de sa politique migratoire. Dans une interview accordée à L'Express, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe suggérait de renégocier l'accord de 1968 qui régit l'accueil et les conditions de séjour des ressortissants algériens sur le territoire français. Et qui leur octroie certains avantages par rapport à d'autres étrangers. Le président d'Horizons n'a pas hésité un épingler une "immigration du fait accompli". De quoi rafraîchir considérablement les rapports entre les deux parties. La visite officielle d'Abdelmadjid Tebboune, initialement prévue les 2 et 3 mai a d'ailleurs été reportée.