Les camionneurs syriens, derniers témoins de la vie sous Daech

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Xavier Yvon, envoyé spécial d’Europe 1 en Syrie, avec , modifié à
REPORTAGE - Europe 1 a rencontré les derniers hommes à pouvoir circuler librement dans toute la Syrie, y compris dans les territoires contrôlés par l’organisation terroriste. 
REPORTAGE

Depuis les attentats à Paris, le gouvernement français a décidé d'intensifier ses frappes contre les positions de l’Etat islamique en Syrie, et notamment sa place forte, Raqqa. Une ville devenue inaccessible pour la plupart des Syriens. Seule une poignée d’hommes peut encore la traverser : les chauffeurs de poids-lourds. Car même en temps de guerre, le commerce continue et se joue des lignes de front et autres divisions. Europe 1 est donc allé à la rencontre de ces témoins rares de la vie sous Daech pour savoir ce que devient la "capitale" de l’organisation Etat islamique.

Malgré la guerre, les affaires continuent. La Syrie a beau être morcelée depuis plus de deux ans, ses habitants doivent continuer à vivre et notamment à se nourrir. Les produits agricoles continuent donc à traverser le pays et ignorent les lignes de front. C’est ainsi qu’une partie de la production agricole des zones contrôlées par Daech se retrouve sur les marchés de Damas, chaque camp y trouvant son compte. Les chauffeurs de poids-lourds syriens se retrouvent donc parmi les rares à pouvoir circuler presque librement dans le pays : la lettre du commerçant tient lieu de laisser-passer aux différents check-point. Europe 1 s’est donc rendu au Souk el Hal de Damas, l’équivalent local de Rungis, pour rencontrer ces camionneurs, derniers témoins de la vie en territoire djihadiste.


Les chauffeurs de poids-lourd, derniers témoins...par Europe1fr

Daech fait preuve de "beaucoup plus de vigilance que d'habitude". Les poids-lourds chargés d’oignons ou de tomates arrivent de toute la Syrie et convergent vers le parking boueux du marché. Un camion arrive notamment de Raqqa avec 30 tonnes de pommes de terre récoltées sur les territoires qu’il contrôle. Son chauffeur raconte ce qu’il a vu à Raqqa, qu’il a traversé juste après un raid de l’aviation française.

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"Ils étaient 4 ou 5 combattants rassemblés, j'ai entendu qu'ils parlaient des frappes françaises contre l'Etat islamique", témoigne-t-il au micro d’Europe 1. "Il y avait beaucoup plus de vigilance que d'habitude : après les frappes, il y avait beaucoup de fouilles dans les voitures, les camions. Avant, tu pouvais passer naturellement, ils ouvraient seulement la porte et disaient ‘vas-y’. Maintenant, c'est une fouille à 100 % ils ouvrent les bagages, la boîte à outils, tout...", raconte ce chauffeur de poids-lourd.

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Obligés de s’adapter aux règles locales. Les camionneurs qui acceptent de parler de Daesh sont rares. L’un d’eux consent néanmoins à raconter les interdictions de fumer, d’écouter de la musique, et surtout les punitions publiques pour ceux qui ne respectent pas ces interdictions. Or, de ce côté-là, Daech innove dans l’horreur : outre les crucifiés au bord des routes, un nouveau genre de châtiment a fait son apparition.  

"Celui qui fume, il est battu, mais parfois ils le mettent dans une cage en plein soleil et ils enduisent sa tête et son visage de confiture pour attirer les guêpes et les frelons", témoigne cet autre chauffeur. Lui-même doit donc s’adapter : ce n’est qu’après le dernier check-point de Daech qu’il peut s’allumer une cigarette et remettre en marche la radio, rare compagnon de ces solitaires de la route. Et surtout il se rase, un acte de liberté bien éphémère : sa barbe devra avoir repoussé pour faire le chemin inverse dans quelques jours et pouvoir à nouveau entrer en territoire djihadiste.