Comment devenir un parti politique après avoir fait la guerre ? Ce problème se pose désormais aux FARC, en lutte contre le gouvernement de Bogota en Colombie depuis 53 ans, et devenu officiellement le parti Force alternative commune dans la nuit de jeudi à vendredi. On se dit qu'il suffit d'avoir rendu les armes, d'avoir démobilisé ses milices, d'avoir signé un accord de paix après des années de négociations. Mais la situation n'est pas si évidente. Pour preuve : les exemples réussis de ce type de mutation sont très rares.
Sinn Fein, le modèle irlandais à suivre ? Les combattants nord-irlandais de l'IRA ont pu servir de modèle aux FARC, dans la mesure où l'aile politique du mouvement, Sinn Fein, qui participe au gouvernement de Leinster, le siège du Parlement, a beaucoup aider en sous-main les FARC à négocier leur retour à la vie civile auprès de Bogota.
Sinn Fein est un mouvement soutenu par des commandos qui se sont livrés à des actions terroristes, mais qui a aujourd'hui des élus au Parlement britannique même si le parti se refuse néanmoins à y siéger tant que le Royaume-Uni n'aura pas renoncé à sa domination sur l'Irlande du Nord. Dans le même temps, Sinn Fein se montre très actif au Parlement européen avec ses eurodéputés. Bref, la cause nord-irlandaise demeure même si elle a changé de moyens de revendication.
Au Guatemala, l'impossible réconciliation. Autre exemple, celui de Rigoberta Menchú, prix Nobel de la paix en 1992. Cette femme était issue des Comités d'unité paysanne du Guatemala, qui disposaient d'une branche armée à l'origine d'attentats. La guerre civile a fait 40.000 morts dans le pays avant qu'une paix ne soit conclue. Mais vingt ans plus tard, la réconciliation avec le gouvernement est toujours en panne.
La tentation de l'autoritarisme. On pourrait également évoquer l'ANC en Afrique du Sud, mouvement politique interdit, contraint à la clandestinité et qui a versé dans la lutte armée avant d'arriver au pouvoir après la libération et l'élection de Nelson Mandela. Mais la démocratie sud-africaine née de la fin de l'Apartheid souffre toujours d'une tentation hégémonique. Celle-là même que l'on retrouve dans bien des mouvements de libération qui, s'ils finissent par triompher, se transforment souvent en parti unique au service de régimes autocratiques. Il ne suffit donc pas de faire la paix et d'entrer en politique pour devenir démocrate, encore faut-il accepter d'être minoritaire ou de respecter totalement les droits des minorités.