Après plus de six décennies sous la direction des Castro, Cuba a ce jeudi un nouveau président. Miguel Diaz Canel, 58 ans, pur produit du parti communiste a été choisi pour sa fidélité à la ligne révolutionnaire. Sans grands changements, il faut s'attendre à la poursuite de ce que Raoul a appelé "l’actualisation du modèle socialiste", c'est-à-dire une lente ouverture à l’initiative privée et à l’investissement étranger. Envoyé spécial à La Havane, notre reporter a observé si la France a pu profiter de cette ouverture progressive.
Série de contrats. A Cuba, c’est souvent le thermomètre politique qui guide le carnet de chèque, et de l’avis général de la communauté française, tous les voyants sont au vert sur ce plan. Tout a commencé avec la visite de François Hollande sur l'île il y a trois ans, suivie de l’accueil à Paris de Raul Castro, avec, dans la foulée, toute une série de contrats pour de grands groupes français. Bouygues construit par exemple une vingtaine d’hôtels et va rénover l’aéroport, qui sera géré par Aéroports de Paris. Accor aura son Sofitel à La Havane. Et la SNCF bataille pour récupérer la rénovation du ferroviaire. Il y aussi les domaines de l’énergie et des télécommunications, avec une concurrence très vive notamment de la part des Chinois et des Russes, qui ont fait un retour très remarqué sur l’île.
Une ouverture en demi-teinte. Le bilan est à ce titre positif mais l'ensemble de ces contrats entrent dans le cadre des grands projets d’Etat et de ses infrastructures. Mais pour le reste, le terme d’"ouverture" fait plutôt sourire les investisseurs. Car Cuba reste Cuba. il est toujours très compliqué d’y mettre le pied et d’y faire des affaires. Le seul client, ici, ne peut être que l’Etat, acheteur unique, avec toute la lourdeur administrative qui va avec. Jean-Christophe Galland, qui travaille pour les cafés Malongo en a fait l'expérience : "Parfois, c'est décourageant parce qu'on ne comprend pas tout le système, où ça bloque. Depuis dix ans, on n'a pas vraiment senti de changement dans les règles. Tout est très long, juste pour ouvrir un compte bancaire. On a vu plus d'entreprises françaises mais il y en a peu qui ont eu vraiment du succès. Il faut de la patience" décrit-il.
L'obstacle américain. Les entrepreneurs se voient aussi imposer des délais de paiement à rallonge qui vont jusqu’à deux ans ! "Il faut avoir les épaules, et les nerfs solides !", disent-ils. Ce qui fait que beaucoup de monde est venu voir et l’engouement est un peu retombé. D'autant qu'il faut aussi compter avec l’embargo américain réaffirmé par Donald Trump, qui est aussi un lourd handicap.
Le gros souci des investisseurs est de trouver une banque qui accepte leurs échanges avec Cuba. Plus aucun établissement français ne prend le risque face aux menaces de sanctions américaines. Pierre Hervé préside Industrie Bois. Il vend ici des charpentes et s'alarme de la situation : "C'est devenu une catastrophe. Il y a des banques qui autorisaient le transfert qui se sont repliées depuis le mois dernier. Le nouveau président américain a resserré la vis. On ne peut plus faire de transactions, on ne peut plus faire de virements vers Cuba. Les banques ont peur de travailler avec Cuba, ils nous ferment les comptes."
Pour concrétiser un projet, il faut alors chercher des partenaires, des intermédiaires. Mais ceux qui ont un pied ici restent persuadés qu’ils ont un coup d’avance, et que l’ouverture, réelle cette fois, ne tient plus qu’à quelques années.