Depuis la sortie de l’affaire des "Panama papers", les critiques fusent sur la manière de faire du Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ). Certains lui reprochent de servir les intérêts américains, d’autres se demandent pourquoi les 11,5 millions de documents qui ont fuité n’ont pas été rendus publics. Europe1 revient point par point sur le fondement de ces critiques.
- Pourquoi les documents de "Panama papers" ne sont-ils pas rendus publics ?
La critique. C’est une des questions récurrentes depuis la sortie de l’affaire : pourquoi n’avons-nous pas accès aux documents cités dans les "Panama papers" ? Certains comme Wikileaks ou le ministre des Finances, Michel Sapin, se sont interrogés sur cette "opacité" de la part du consortium de journalistes qui a sorti l’affaire.
La réponse. Le Monde, qui fait partie des rédactions associées à l’ICIJ, a publié un long papier dans lequel il explique ce choix. Le quotidien explique d'abord la complexité des documents qui "ne sont pas un simple tableur avec des noms dans lequel il nous a suffi de piocher", peut-on lire sur le site du quotidien du soir.
Ensuite, sont évoquées des raisons de protection de la vie privée. Si dévoiler le nom d’une société offshore ne pose pas de problème, ces documents contiennent énormément d’informations personnelles comme des adresses de courriers électroniques, des informations sur la santé de certaines personnes ou encore des numéros de passeports. Enfin, l’ICIJ devrait publier, au mois de mai, toute une partie des données comme les dates de création des sociétés offshore, les dates de dissolution, l’identité des actionnaires.
- Pourquoi Wikileaks reproche-t-il aux "Panama papers" un manque de transparence ?
La critique. Il est étonnant que le site spécialisé dans la diffusion de documents secrets et créé en 2006 par Julian Assange s’en prenne aux "Panama papers" puisque les deux organisations ont les mêmes objectifs.
Pourtant le compte Twitter de Wikileaks a reproché au consortium de servir les intérêts américains, en s’attaquant à Vladimir Poutine. Pour étayer son propos, Wikileaks explique que l’enquête menée sur les intérêts du président russes dans divers paradis fiscaux, a été faite par l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project) – un groupe de journalistes qui est associé au consortium d’organisations qui ont participé aux "Panama papers". Or, dit Wikileaks, l’OCCRP a pour habitude de cibler la Russie dans ses enquêtes et, de plus, est financé par les Etats-Unis.
La réponse. "Dans les faits, Wikileaks dit vrai", répond le consortium, mais les Etats-Unis ne sont pas la seule source de financement de l’organisation. Le quotidien rappelle que les premiers journalistes à avoir mis la main sur les 11,5 millions de documents sont des journalistes du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung et non, l’OCCRP ou l’ICIJ qui a aidé à coordonner les enquêtes menées par plus de 400 journalistes. "Et les enquêtes des médias, que ce soit sur Vladimir Poutine, Bachar Al-Assad ou Mohammed VI ont recoupé leurs informations au-delà des seuls fichiers", précise Le Monde.
Les "Panama papers" ont-ils volontairement omis de citer des Américains ?
La critique. Autre critique, basée sur ces arguments de financement du consortium : il n’y a quasiment pas d’Américains mis en cause par les "Panama papers". Même le député LR des Français à l’étranger, Thierry Mariani s’est interrogé à ce sujet sur Twitter. "Tiens, visiblement @wikileaks partage les mêmes réserves que celles que j'avais formulées dès le début. À méditer !", écrit-il. A gauche, Jean-Luc Mélenchon a, quant à lui, jugé "curieux" que "pas un seul Nord-Américain puissant" ne figure dans la liste de personnalités désignées comme ayant eu recours à l'évasion fiscale par l'enquête "Panama papers"."Est-ce crédible? La presse libre est-elle si indépendante ?", a-t-il poursuivi.
Tiens,visiblement @wikileaks partage les mêmes réserves que celles que j'avais formulées dès le début .. À méditer ! pic.twitter.com/a1SctrsN9d
— Thierry MARIANI ن (@ThierryMARIANI) April 6, 2016
La réponse. C’est vrai que peu de personnalités américaines figurent dans les révélations de cette semaine. Et c’est sûrement le point qui suscite le plus d’interrogations et sur lequel la réponse est un peu vague. Le Monde explique s’être focalisé en priorité sur les personnalités les plus marquantes : chefs d’Etat, sportifs, milliardaires. Faut-il en déduire qu’aucune personnalité américaine n’est mentionnée dans ces documents ou que celle qui y sont mentionnées ne méritaient pas l’intérêt des médias ?
En revanche, le quotidien explique très clairement que la sous-représentation des Américains dans les fichiers du cabinet panaméen Mossack Fonseca s’explique simplement par la faible fiscalité américaine, le durcissement des autorités américaines vis-à-vis de l’évasion fiscale. Et enfin, des ressortissants américains ont très bien pu faire appel à une autre société que Mossack Fonseca (surveillée par le Trésor américain) pour cacher de l’argent et ouvrir des sociétés offshore.