Le Liban a en quelque sorte vécu, mardi soir, la catastrophe de trop : les explosions dévastatrices survenues dans le port de Beyrouth accélèrent la chute du pays, autrefois surnommé "la Suisse du Moyen-Orient", dans l'abîme économique vers lequel il se dirigeait déjà depuis un certain temps. Et rien ne dit que la reconstruction du pays du Cèdre se fasse rapidement, tant les faiblesses de l'industrie, la corruption et les déchirements politiques rongent ce territoire de 5,5 millions d'habitants.
Taux de pauvreté à 45%
Dans un premier temps, le drame de mardi et la destruction du port risquent d'avoir de graves conséquences sur l'approvisionnement en farine pour la population. Ce n'est pas un détail, car près de la moitié de la population (45%) vit sous le seuil de pauvreté, avec 22% des Libanais en état de "pauvreté absolue". Un demi-million d'enfants souffrent de malnutrition.
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Les indicateurs économiques sont au rouge : une dette publique astronomique qui atteint 183% du Produit intérieur brut (PIB), une monnaie qui ne vaut plus rien et une pénurie criante de liquidités, avec les conséquences qu'on imagine sur la population.
Le taux de chômage est actuellement de 35% et l'inflation frôle les 100%. En toute logique, le pouvoir d'achat s'est effondré l'automne dernier, frappant tout particulièrement la classe moyenne, qu'on retrouve aujourd'hui dans les files d'attente des centres d'aide alimentaire.
Un chemin "long et compliqué"
Comment un pays aussi affaibli va-t-il pouvoir se relever d'une telle catastrophe ? "Pour reconstruire, il faut des matières dont on manque, car il n'y a pas de liquidités", déplore Fouad Zmokhol, président du Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais dans le monde et invité d'Europe 1, mercredi matin. "Notre secteur bancaire, qui a financé la reconstruction, n'est plus sur place, comme le secteur productif. Les entreprises ouvrent un jour sur deux." Pour lui, le retour vers la prospérité sera "long et compliqué".
Pendant ce temps-là, alors que les pays alliés ont assuré le gouvernement de leur soutien humanitaire et matériel, les milliards de dollars d'aide proposés par le Fonds monétaire international (FMI) sont toujours bloqués. Les négociations patinent en effet avec le lobby bancaire, qui détient une grande partie de la dette publique libanaise. Ce secteur refuse toujours d'admettre ses pertes, évaluées à 53 milliards de dollars, soit l'équivalent du PIB.