Mali, Maroc, Algérie, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Ghana, Sénégal, Tunisie… auxquels il faut ajouter Mauritanie et Nigeria cette semaine. En l'espace de douze mois, Emmanuel Macron aura visité une dizaine de pays africains. Preuve qu'il n'est pas question de négliger ce continent. Mais attention, prévient l'Élysée, dans ce domaine comme dans d'autres, pas question de reproduire les schémas du passé. Exit le paternalisme aux relents néo-colonialistes, le président de la République veut défendre une nouvelle approche de l'Afrique, faite de partenariats économiques ainsi que de réflexions communes sur l'éducation et la culture.
L'approche macroniste du continent africain était toute entière résumée dans le programme du candidat à la présidentielle de 2017 : "assurer une nouvelle politique en Afrique, où la paix et l'esprit d'entreprise construiront le siècle qui commence." Quelques mois après son élection, dans le JDD, Emmanuel Macron défendait un "changement de méthode profond". "Nous avons défini des priorités : éducation, santé, environnement, français et culture. La jeunesse africaine a à se construire un avenir choisi." Ce sont bien ces objectifs que le président français garde en ligne de mire cette semaine.
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Changement de logiciel. Si une grosse partie de son voyage, notamment en Mauritanie, sera consacrée à la sécurité, "l'esprit d'entreprise" devrait y occuper une large part. L'étape nigériane de la visite doit permettre à Emmanuel Macron de rencontrer de jeunes entrepreneurs locaux du service privé et de lancer le premier club d'affaires franco-nigérian. Le "changement de logiciel" vanté par l'entourage du président en novembre dernier, lors de sa tournée en Afrique de l'Ouest, est donc toujours d'actualité.
Pourquoi le Nigeria ? Dans ce contexte, le choix du Nigeria est d'ailleurs loin d'être anodin. Le pays représente la première économie du continent africain et Lagos, l'ancienne capitale dans laquelle Emmanuel Macron se rendra mardi, est un pôle tout à la fois industriel et culturel de premier plan. Par ailleurs, se rendre dans un pays anglophone est un signal fort, alors que les visites tricolores en Afrique sont généralement indexées sur le passé colonial français. C'est donc bien à l'Afrique "qui gagne" dans son ensemble, et plus seulement celle qui a un lien historique avec la France, que s'adressera le chef de l'État cette semaine. Chef de l'État qui avait, pour la petite anecdote, effectué un stage à Abuja, la capitale administrative du Nigeria, en 2002.
Cap sur la jeunesse africaine. Comme en novembre dernier au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Ghana, Emmanuel Macron va axer sa visite sur la jeunesse. À l'époque, il avait échangé pendant près de deux heures avec des étudiants à Ouagadougou dans une ambiance informelle… si informelle qu'il s'était même fendu d'un trait d'humour sur son homologue burkinabé, Roch M.C. Kaboré, entraînant une cascade de réactions ulcérées de la part de la classe politique française, et bien plus indulgentes de l'autre côté de la Méditerranée.
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Créateurs, acteurs et artistes. Cette fois, Emmanuel Macron a prévu de se rendre mardi soir au Shrine, une salle de concert très connue de Lagos, temple de l'afrobeat. Entre deux concerts et des défilés mis sur pied par des créateurs de mode locaux, le président français rencontrera des artistes contemporains africains et des acteurs nigérians. Encore un geste vers un symbole de réussite, "Nollywood", le Hollywood nigérian, étant la deuxième industrie cinématographique du monde en termes de production de films. "L'Élysée veut une politique africaine jeune, tournée davantage sur les pays anglophones", résume Olivier Laouchez, PDG des chaînes musicales qui organisent l'événement, à l'AFP. "L'Europe ne connaît pas l'Afrique, en tout cas, pas sa dimension culturelle."
Des actes "pas à la hauteur". Reste à savoir si cette nouvelle approche de la politique africaine va au-delà du symbole. D'abord parce qu'avant Emmanuel Macron, François Hollande comme Nicolas Sarkozy avaient essayé de se défaire du schéma classique de relation entre ancien colonisateur et ex-colonisés. Sans succès sur la durée d'un quinquennat, tous deux s'étant finalement fait remarquer pour leurs interventions militaires sur le continent. Ensuite parce que, de l'avis de nombreuses ONG, le bilan du président en Afrique reste mince pour l'instant. "Affirmer une présence sur le continent, c'est bien, mais il faut désormais passer à l'action", estime ainsi Friederike Röder de l'ONG ONE, engagé contre la pauvreté en Afrique, dans les colonnes de Libération. Lui regrette que les enjeux sécuritaires et migratoires aient pris le pas sur l'aide au développement, réduite à peau de chagrin. "Pour l'instant, on voit surtout le parrainage de projets, déjà existants pour la plupart. Ce n'est pas à la hauteur des défis actuels."