Les sourires sont rares, les souvenirs encore trop présents. Mais signe que la vie reprend peu à peu à Boutcha, les habitants saluent d’un geste de la main les visiteurs d’un jour, tellement contents de voir de nouvelles têtes, désormais pacifiques. À côté d’un char désossé et d’un immeuble éventré, Vitali photographie le carnage.
"C'est moi qui l'ai enterrée"
Il explique le faire pour "l’Histoire". "Je veux que mes petits-enfants sachent ce qu’ont fait ici les Russes. Je fais des photos maintenant parce qu’après, ce sera trop tard, tout aura été nettoyé", poursuit-il.
À quelques mètres d’un parc de jeux pour enfants, une sépulture a été montée à la hâte sous les bombes. Ici, entre deux allées de goudron, sous un monticule de terre, repose provisoirement Inna, 45 ans. "Elle est sortie chercher de l’eau et elle est décédée dans un bombardement. C’est moi qui l’ai enterrée", tient à faire savoir son voisin Ruslan.
Des cicatrices psychologiques
Une semaine après le départ des Russes, il n’y a toujours pas de gaz ni d’électricité dans la ville. Alors les habitants font des réserves de bois. Au pied d’un immeuble, Valentina prépare la soupe pour son père sur un feu de fortune. "Vous voulez goûter ? Attention, c’est chaud, hein ! On a des réserves de pommes de terre parce qu’on a un potager. Et le reste, on nous l’a donné", raconte-t-elle.
"On est devenus plus unis, poursuit-elle. On s’aide, on se parle. On a besoin d’un ou deux ans pour revenir à la vie normale. Mais il y a des cicatrices psychologiques. Parce qu’après avoir eu 16 bombes dans notre quartier, c’est très difficile."
De l’autre côté de la rue, un convoi de voitures officielles s’arrête. En descend Yuri Cherdinstov, un expert judiciaire. "On est un groupe de spécialistes avec le procureur. On vient chercher tout ce qu’on peut trouver sur les attaques des Russes qu’il y a eu ici", assure-t-il. Pour que le récit du passage mortifère des Russes ne soit pas que des mots. Mais aussi des preuves et peut-être même, un jour, un procès.