Le 2 octobre dernier, le journaliste saoudien Jamal Khashoggi était vu pour la dernière fois entrant au consulat d'Arabie saoudite d'Istanbul. Après enquête, les autorités turques ont découvert qu'il y avait été étranglé avant d'être démembré, selon les dernières informations. Dans une tribune publiée vendredi dans le journal Le Monde, sa fiancée, Hatice Cengiz, en appelle à la justice pour punir les auteurs de ce "meurtre brutal, barbare et impitoyable".
"Une voix de portée universelle". "Quel crime avait-il commis pour qu’on le traite ainsi ? Pour quelle raison l’ont-ils tué aussi brutalement ?" C'est pour répondre à ces questions mais aussi pour que "ceux qui ont prémédité et commis cet assassinat sauvage soient jugés" que Hatice Cengiz réclame justice. La mort du journaliste représente la perte d'"une voix de portée universelle" qui "nous aidait à comprendre les relations complexes qui caractérisent le Proche-Orient".
"Exiger de l'administration Trump qu'elle réclame justice". Dans ce cri d'alarme, Hatice Cengiz s'adresse en premier aux Etats-Unis, le pays où Jamal Khashoggi vivait en exil. "Les Etats-Unis devraient être à la tête de ces efforts", estime-t-elle, rappelant qu'"ils ont été fondés sur les idéaux de liberté et de justice pour tous, et le premier amendement de leur Constitution symbolise à lui seul les idéaux qu’incarnait Jamal". "Or face à cette tragédie, l’administration Trump a adopté une position dépourvue de tout fondement moral", déplore la fiancée.
"Espérant que ce meurtre sera vite oublié, certains à Washington estiment qu’il suffit de faire traîner les choses. Mais nous allons continuer à exiger de l’administration Trump qu’elle réclame justice pour Jamal. Cette affaire ne sera pas étouffée", promet-elle. Le 20 octobre dernier, Donald Trump avait jugé la défense de Ryad crédible dans cette affaire et avait balayé d'un revers de main l'idée d'adopter des sanctions.
"Un test en humanité". Hatice Cengiz en appelle aussi à l'Europe pour résoudre le mystère de la mort de son fiancé. "Nous allons assister à un test en humanité. Et cela exige du leadership. J’invite donc les présidents des pays européens ainsi que celui des Etats-Unis à réussir ce test. Justice doit être rendue", lance-t-elle.
Cette femme en deuil est cependant aussi lucide : "je sais que les gouvernements n’agissent pas en fonction de leurs sentiments mais en fonction de leurs intérêts. Cependant, ils doivent se poser une question fondamentale. Si les démocraties du monde ne font pas tout le nécessaire pour traduire en justice les responsables de cet acte ignoble et éhonté – un acte qui a suscité l’indignation de leurs citoyens –, quelle autorité morale leur restera-t-il ? Comment pourront-elles alors défendre la liberté et les droits humains de qui que ce soit ?"
"Quelques semaines" avant de pouvoir sanctionner les responsables, annonce Washington
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a estimé jeudi qu'il faudrait encore "quelques semaines" avant que les États-Unis disposent de preuves suffisantes pour pouvoir imposer des sanctions aux personnes responsables de l'assassinat du journaliste saoudien. "Nous continuons de comprendre la teneur des faits. Nous sommes en train d'examiner la mise en place de sanctions contre les personnes que nous avons été en mesure d'identifier à ce jour qui ont participé à ce meurtre", a expliqué Mike Pompeo sur la radio KMOX.
Mais "cela va nous prendre probablement une poignée de semaines supplémentaires avant que nous ayons assez d'éléments pour réellement mettre ces sanctions en oeuvre", a-t-il ajouté, rappelant que le président Donald Trump a affirmé que "nous allons demander des comptes aux personnes qui ont été impliquées dans la perpétration de ce crime ignoble".
"Nous ne le (le meurtre, ndlr) cautionnons pas et nous ne permettrons pas qu'il reste sans conséquences", a poursuivi Mike Pompeo, soulignant néanmoins que les États-Unis avaient "l'intention de s'assurer que ces relations (avec Ryad) restent intactes".