C'est un Conseil européen à hauts risques qui attend les 28 États membres de l'Union européenne jeudi et vendredi. Alors que celui-ci sera dédié à l'immigration, le sujet est toujours très sensible pour les pays participants, divisés sur les solutions à apporter aux migrants. Preuve qu'un accord est peu probable : Bruxelles avait convoqué certains dirigeants à un mini-sommet de préparation, le week-end dernier, boycotté par quatre pays et qui n'a permis aucune avancée concrète.
En réalité, les pays européens sont d'accord sur certains points, notamment l'intensification des contrôles aux frontières, le renforcement de la coopération avec les pays africains pour dissuader les candidats au départ ou encore l'accélération des renvois dans leur pays d'origine des déboutés du droit d'asile. Tous, également, conviennent de la nécessité de revoir les règles de Dublin, qui stipulent pour le moment qu'un migrant doit obligatoirement demander l'asile dans le premier pays sur lequel il pose le pied. Mais c'est sur l'accueil des migrants que divergent les Vingt-Huit, qui émettent des propositions parfois radicalement opposées.
Le groupe de Visegrad : plus de contrôle
Le groupe de Visegrad, composé de la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République Tchèque est opposé à l'accueil des migrants et prône une fermeture des frontières. Ces quatre pays ont d'ailleurs boycotté le mini-sommet du week-end dernier, estimant qu'il s'agissait simplement de "réchauffer une ancienne proposition" déjà refusée par le passé, à savoir celle des quotas de migrants, qui seraient répartis dans les différents pays de l'Union européenne en fonction de leur population et leur situation économique.
Ces quatre pays sont donc contre un accueil concerté et pour le renforcement de Frontex, l'agence de protection des frontières européennes. Ils sont rejoints sur ce point-là par l'Autriche, et ce soutien pourrait leur être précieux. En effet, Vienne s'apprête à prendre la présidence tournante de l'Union européenne le 1er juillet. Ce qui pourrait se révéler décisif pour faire entendre la voix du groupe de Visegrad.
L'Autriche, le Danemark et l'Italie : des centres d'accueils hors de l'UE
L'Autriche et le Danemark plaident de leur côté pour des "centres de tri" des migrants hors de l'Europe. Une sorte d'externalisation de la demande d'asile. Ces centres en Afrique du Nord ou dans les Balkans permettraient d'examiner les personnes éligibles à l'asile en Union européenne et de dissuader celles qui ne le sont pas.
Ils sont rejoints en cela par l'Italie. Le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, a annoncé lundi qu'il était pour des "centres d'accueil et d'identification" au sud de la Libye (et ce alors qu'il n'en est pas question pour le gouvernement libyen). Pour les pays favorables à cette solution, cela permettra aussi de limiter les traversées très dangereuses qu'effectuent les migrants en Méditerranée sur des embarcations de fortune.
La France et l'Espagne : des centres fermés sur les côtes européennes
Pour la France et l'Espagne, il n'est pas question de créer de tels centres hors d'Europe. En revanche, organiser l'accueil des migrants dans des centres fermés sur les côtes européennes leur semble préférable. "Une fois débarqués sur le sol européen, nous sommes favorables à mettre en place des centres fermés conformément au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), avec des moyens européens qui permettent une solidarité financière immédiate, une instruction rapide des dossiers, une solidarité européenne pour que chaque pays prenne de manière organisée les personnes qui ont droit à l'asile", a expliqué Emmanuel Macron le week-end dernier, à l'issue du mini-sommet européen.
Mais cette solution n'est pas acceptable pour le gouvernement italien, alors que les côtes de la "botte" sont les plus proches de la Libye, et voient donc accoster le plus grand nombre de migrants. "Si l'arrogance française pense transformer l'Italie en camp de réfugiés pour toute l'Europe, peut-être en versant quelques euros de pourboire, elle se fourvoie complètement", a tonné Matteo Salvini, en début de semaine.
L'Allemagne : des accords bilatéraux ou trilatéraux
Angela Merkel a une position compliquée dans ce débat. Au plus fort de la crise migratoire, en 2015, elle était la seule dirigeante européenne à avoir ouvert ses frontières aux nouveaux arrivants. Trois ans et nombre de revers politiques plus tard, la chancelière allemande, fragilisée, contestée en interne par ses alliés politiques qui lui reprochent son ouverture, n'a plus les coudées franches. Elle est donc globalement plus attentiste, espérant dégager une solution européenne pour ne pas avoir à se prononcer directement.
Néanmoins, voyant s'éloigner la perspective d'une solution commune à 28 États, Angela Merkel a plaidé, à l'issue du mini-sommet de Bruxelles le week-end dernier, pour abandonner la recherche vaine d'un consensus. Selon elle, les solutions à l'accueil des migrants viendront d'"accords bilatéraux ou trilatéraux" entre certains pays.