La France a commencé mardi soir à évacuer par avion des civils, en grande majorité français, sa première évacuation massive au Sahel où les coups d'Etat se sont multipliés depuis 2020. Les autorités françaises souhaitent clore mercredi à la mi-journée les opérations. Un troisième avion a atterri en fin d'après-midi à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Un quatrième et dernier appareil est attendu la nuit prochaine, chaque avion pouvant accueillir environ 280 personnes.
Les principales informations à retenir :
- La junte a accusé lundi la France de vouloir "intervenir militairement", ce que Paris a démenti fermement.
- Deux avions transportant des ressortissants français sont arrivés à Roissy-Charles-de-Gaulle dans la nuit de mardi à mercredi
- Un troisième appareil est arrivé aux alentours de 19h. Le quatrième et dernier est prévu pour la nuit prochaine
- Sur les quelque 1.200 Français enregistrés sur les listes consulaires au Niger, selon Paris, 600 ressortissants souhaiteraient revenir en France
- Une délégation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) est actuellement au Niger pour "négocier" avec les putschistes
Le troisième avion vient d'atterrir
Le troisième appareil transportant des ressortissants français a atterri à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle peu avant 19h. L'avion s'est posé avec plusieurs heures de retard en raison des difficultés rencontrées pour rejoindre l'aéroport de Niamey en début d'après-midi. À l'atterrissage, ils ont été pris en charge dans une zone sécurisée avec de grandes tentes rouges et blanches, accessibles uniquement aux familles et aux secours, car certains ont besoin d'aide médicale et ont donc été accueillis par le Samu et la Croix-Rouge.
Le colonel Pierre Gaudillière salue l'efficacité des évacuations
Interrogé au micro d'Europe 1, à propos des opérations d'évacuation, le général Pierre Gaudillière, porte-parole de l'état-major des armées, a salué une organisation efficace malgré l'urgence de la situation. "On peut déjà parler de réactivité dans des délais vraiment contraints. Il faut noter aussi la très bonne coordination de tous les acteurs et notamment entre les armées et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Tout ceci est possible parce qu'on se parle régulièrement", déclare-t-il. L'armée appuiera les opérations jusqu'à la nuit prochaine. Aucune autre mission n'étant prévue pour le moment, les Français désireux de rester sur place et les militaires tricolores présents au Niger ne seront donc pas évacués.
Le Nigeria a coupé son approvisionnement en électricité au Niger
Le Nigeria a coupé son approvisionnement en électricité au Niger, a appris mercredi l'AFP de source proche de la direction de la Société nigérienne d'électricité (Nigelec), en ligne avec les sanctions décidées par les voisins ouest-africains du Niger déstabilisé par un putsch. "Le Nigeria a déconnecté dépuis hier (mardi) la ligne haute tension qui transporte l'électricité au Niger", a déclaré cette source. Un agent de la Nigelec a de son côté indiqué que la capitale, Niamey, était "alimentée grâce à la production locale".
Dimanche, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), dirigée par le président nigérian Bola Tinubu, a décidé de sanctions contre les putschistes qui ont renversé le président élu Mohamed Bazoum il y a une semaine. En plus d'un ultimatum d'une semaine pour rétablir l'ordre constitutionnel et la suspension des transactions financières avec le Niger, la Cédéao a décrété le gel de "toutes les transactions de service, incluant les transactions énergétiques". Selon un rapport de la Nigelec - seul fournisseur du pays -, en 2022, 70% de la part d'électricité au Niger provenait de l'achat à la société nigériane Mainstream.
La Cédéao est au Niger
Une délégation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) est actuellement au Niger pour "négocier" avec les putschistes, a indiqué mercredi l'un des responsables de la Cédéao à l'ouverture de la réunion des chefs d'état-major ouest-africains à Abuja.
"Le président de la Commission de la Cédéao aurait aimé être ici, mais à l'heure où nous parlons, il se trouve au Niger dans le cadre d'une délégation de haut niveau dirigée par l'ancien chef d'État du Nigeria, le général Abdulsalami Abubakar, en vue de négocier", a déclaré le commissaire de la Cédéao chargé des affaires politiques et de la sécurité, Abdulfatar Musa.
Les premiers expatriés arrivent à Paris
Un premier avion a décollé de Niamey en soirée et a atterri, peu après 23h30 GMT, à l'aéroport de Paris-Roissy Charles de Gaulle. "Il y a 262 personnes à bord de l'avion qui est un Airbus A330, dont une douzaine de bébés", avait indiqué à l'AFP dans la soirée la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, expliquant que la "quasi-totalité des passagers sont des compatriotes".
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Outre une grande majorité de Français ont également atterri des Nigériens, des Portugais, des Belges, des Ethiopiens et des Libanais, a précisé le Quai d'Orsay à la presse présente à Roissy. L'évacuation a été "bien organisée, ça a été assez vite, pour ma part tout s'est très bien passé", a témoigné Bernard, qui travaille depuis deux mois au Niger pour l'Union européenne. "A Niamey, il n'y a pas de tensions particulières en ville, pas de stress particulier, la population vaque à ses occupations", a décrit cet homme, parti avec le strict minimum.
"Ca fait du bien", a déclaré, soulagée, Raïssa Kelembho, rentrée du Niger avec ses deux garçons. "A un moment donné, il y a eu une sensation d'insécurité, on savait que tout pouvait basculer", a expliqué la mère de famille, dont le mari est resté au Niger pour le travail. Un deuxième vol devait atterrir dans la nuit, avec à son bord Français, Nigériens, Allemands, Belges, Canadiens, Américains, Autrichiens et Indiens, d'après le ministère français des Affaires étrangères.
600 Français souhaitent rentrer
Sur les quelque 1.200 Français enregistrés sur les listes consulaires au Niger, selon Paris, 600 ressortissants souhaiteraient revenir en France. Le souhait des autorités est de clore l'opération à la mi-journée mercredi. Quatre avions de rapatriement ont pour l'instant été prévus. L'évacuation des militaires français postés au Niger n'est en revanche "pas à l'ordre du jour", avait auparavant indiqué à la presse l'état-major des armées françaises.
Le ministère allemand des Affaires étrangères a recommandé dans la journée "à tous ses ressortissants à Niamey", d'accepter l'offre de la France, quand l'Italie a annoncé se tenir prête à évacuer ses ressortissants de Niamey. Les Etats-Unis n'ont pris aucune décision d'évacuation pour le moment, a indiqué mardi la Maison Blanche.
Paris justifie l'évacuation par les "violences qui ont eu lieu" contre son ambassade dimanche lors d'une manifestation hostile à la France, et par "la fermeture de l'espace aérien qui laisse nos compatriotes sans possibilité de quitter le pays par leurs propres moyens".
L'Italie a évacué une centaine de ressortissants étrangers
Une centaine de ressortissants étrangers résidant au Niger sont arrivés à Rome mercredi matin, évacués par l'Italie pour raisons de sécurité après le coup d'Etat militaire survenu la semaine dernière dans ce pays sahélien, ont annoncé les autorités de la péninsule.
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Parti de Niamey, un Boeing 767 de l'Armée de l'air italienne a atterri peu après 05H00 (03H00 GMT) à l'aéroport Ciampino de Rome avec à son bord 99 ressortissants italiens et d'autres nationalités. "Retour en sécurité de 99 passagers, italiens et étrangers, qui ont quitté le Niger", s'est félicité le ministre italien de la Défense Guido Crosetto sur Twitter, récemment rebaptisé "X".
Selon l'agence Ansa, 36 Italiens et 21 Américains font partie des ressortissants évacués, accueillis à leur arrivée par le chef de la diplomatie Antonio Tajani. Un peu moins de 500 ressortissants italiens résident au Niger, dont la plupart sont des militaires.
Réouverture des frontières nigériennes
Niamey, par la voix d'un putschiste, a toutefois annoncé dans la nuit de mardi à mercredi la réouverture "des frontières terrestres et aériennes" du Niger avec cinq pays voisins (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali et Tchad). Dans la capitale nigérienne, après de fortes pluies dans la matinée de mardi, les activités on repris et peu de véhicules des forces de sécurité étaient visibles, ont constaté des journalistes de l'AFP. "On n'a pas de problèmes avec les Français", ni avec "les ressortissants européens, on a des problèmes avec les gouvernements européens", assure de son côté Hamidou Ali, un Nigérien de 58 ans. Un étudiant, Mahamadou Issoufou Idi, juge lui que "les Français n'ont qu'à partir".
La France, ex-puissance coloniale dans la région et soutien indéfectible du président Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l'ont renversé, dirigés par le général Abdourahamane Tiani. Le mouvement M62, à l'initiative d'une manifestation pro-putschistes, a dénoncé mardi l'évacuation organisée par la France, souhaitant la suspension de certains de ses médias et appelant à un rassemblement "pacifique chaque jour" près de l'aéroport, "jusqu'au départ définitif des forces étrangères" présentes dans le pays.
"Déclaration de guerre"
La junte a accusé lundi la France de vouloir "intervenir militairement", ce que Paris a démenti fermement. Lundi soir, le Burkina Faso et le Mali, voisins du Niger et gouvernés également par des militaires, ont affiché leur solidarité avec les putschistes en affirmant que toute intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum serait considérée "comme une déclaration de guerre" à leurs deux pays et entraînerait leur retrait de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest).
Ils ont ajouté refuser d'appliquer les "sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes" décidées dimanche par la Cédéao à Abuja, la capitale du Nigeria. Les dirigeants ouest-africains, soutenus par leurs partenaires occidentaux, dont la France, ont fixé un ultimatum d'une semaine à la junte militaire au Niger pour un "retour complet à l'ordre constitutionnel", affirmant ne pas exclure un "recours à la force" si ce n'était pas le cas.
Dans ce contexte, la Cédéao a annoncé mardi soir que les chefs d'état-major des pays qui la composent se réuniraient de mercredi à vendredi à Abuja, au sujet du putsch au Niger. Par ailleurs une délégation de la Cédéao, conduite par le Nigérian Abdulsalami Abubakar, doit se rendre mercredi au Niger, ont indiqué sous le couvert de l'anonymat une haute responsable de l'organisation ouest-africaine et un responsable militaire du Niger. La Cédéao avait également décidé de "suspendre toutes les transactions commerciales et financières" entre ses Etats membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d'Etat.