Recep Tayyip Erdogan s’est retrouvé pour la première fois en ballotage lors du premier tour de l'élection présidentielle le 14 mai. Face à lui : son opposant Kemal Kiliçdaroglu à la tête depuis 2010 du parti républicain du peuple, le CHP, fondé en 1923 par le père de la Turquie moderne. Un élément phare de sa campagne : les droits des femmes, rognés depuis dix ans par le président islamo-conservateur Erdogan après une décennie de progrès.
Le président sortant a d'ailleurs récemment affirmé lors d'un meeting que "l'égalité des sexes est contraire à la nature", ajoutant aussi que "les femmes ne doivent pas rire en public". Conséquence, de nombreuses turques rêvent de voir partir leur président.
La pression sur les femmes, "une épreuve au quotidien"
Les camionnettes de campagne du camp Erdogan défilent dans les rues sinueuses d'Istanbul. Sur l'une d'entre elles, trois députés sont représentés : deux hommes souriants en costume et une femme. Sa silhouette est noircie, son visage effacé. "Nous sommes poussées vers l'obscurantisme. Je ne partage rien sur les réseaux sociaux, mais quand j'ai vu ça, j'ai immédiatement publié une photo", lance Nayan, une passante qui se dit révoltée.
Cette pression sur les femmes est, dit-elle, "une épreuve au quotidien". "L'État d'Erdogan juge et condamne la façon dont nous sommes habillées, dont nous rions. Demain, ils entreront même dans notre chambre à coucher en voulant interdire l'avortement", poursuit-elle.
Plus de 300 féminicides en 2022
Les violences augmentent de jour en jour, dénonce la cofondatrice de l'association Stop féminicide, qui milite pour le retour de son pays dans la convention d'Istanbul qu'Erdogan a quitté en 2001. "Avec ce traité international, quand une femme était violentée par son mari, son père ou son frère, cet homme était éloigné du foyer. Aujourd'hui, il y a des femmes censées être sous protection de l'État qui se font quand même assassinées." Son association recense plus de 300 féminicides en 2022, 100 de plus que sur la même période qu'il y a dix ans.