Un tribunal péruvien a ordonné que l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000), âgé de 79 ans et récemment gracié, soit à nouveau jugé, cette fois pour le meurtre de six habitants d'un village en 1992, ont annoncé lundi les autorités judiciaires.
Jugé avec 23 autres personnes. Dans ce dossier, "le droit à la grâce pour raisons humanitaires de l'ex-président Alberto Fujimori ne s'applique pas", ont indiqué les autorités judiciaires sur Twitter. L'ancien chef d'État, qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité et corruption, a été gracié le 24 décembre pour raisons de santé par le président péruvien Pedro Pablo Kuczynski. Le parquet a ordonné qu'il soit jugé avec 23 autres personnes, dont d'anciens éléments d'un groupe paramilitaire et de l'armée.
Accusé d'enlèvements, homicides et association de malfaiteurs. Le 29 janvier 1992, alors que le gouvernement Fujimori menait une grande offensive contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux, des membres du Groupe Colina, composé notamment de militaires, avaient enlevé et assassiné six habitants du village de Pativilca, au nord de Lima. L'opération avait été était menée par un des "escadrons de la mort" lancés par les autorités péruviennes contre la guérilla. Les procureurs réclament 25 ans de prison contre Alberto Fujimori, accusé d'enlèvements, homicides et association de malfaiteurs.
La décision du président Kuczynski de gracier Alberto Fujimori avait soulevé une polémique, ainsi que les critiques d'organisations de défense des droits de l'homme, et provoqué plusieurs manifestations de Péruviens. Pedro Pablo Kuczynski est accusé d'avoir négocié politiquement cette mesure en échange de son maintien au pouvoir avec le soutien du mouvement politique fondé par Alberto Fujimori.
Un procès "sans pressions politiques" ? "J'ai bon espoir que mon père sera acquitté, après un procès sans pressions politiques", a déclaré via Twitter Keiko Fujimori, fille de l'ancien président et actuelle présidente du parti politique Fuerza Popular. Elle a estimé que cette décision ne devait pas constituer une "excuse pour emprisonner à nouveau un homme d'un âge avancé et à la santé fragile", ajoutant que son père "mérite" d'être en liberté pendant le procès.
Pas de droit de grâce dans ce dossier. L'avocate des familles, Gloria Cano, avait exigé que soit respecté le droit des victimes et que le droit de grâce dont dispose le président Kuczynski ne s'applique pas à ce dossier. "Si le droit de grâce est finalement appliqué, nous allons saisir les instances internationales", avait mis en garde l'avocate.
Des corps jamais retrouvés. La Commission de la vérité et de la réconciliation avait pu reconstituer les faits survenus en janvier 1992 à Pativilca grâce à des témoignages des familles des hommes enlevés et tués ce jour-là. Les proches des victimes avaient raconté qu'un commando d'hommes vêtus d'habits sombres étaient arrivés dans la nuit au village, avaient capturé et frappé six hommes avant de les emmener dans plusieurs véhicules. Les corps des six victimes - trois agriculteurs, un étudiant, un chauffeur et un professeur - n'ont jamais été découverts.