Portugal : conflit d'intérêts, motion de confiance... Pourquoi le gouvernement Montenegro est tombé

Le Portugal s'enfonce dans la crise politique. Pour la troisième fois en trois ans, les Portugais seront appelés aux urnes pour composer les membres de l'Assemblée nationale. Le Premier ministre Luís Montenegro a vu sa motion de confiance rejetée par les députés, ce qui a entraîné sa chute. Mais qu'est-ce qui a mené à cette situation ?
Pour la première fois depuis la chute du gouvernement de Mário Soares en 1977, un gouvernement est tombé au Portugal. Ce mardi, celui de Luís Montenegro a été contraint de démissionner après l'échec du vote de confiance à l'Assemblée. Une situation qui devrait mener à de nouvelles élections législatives anticipées, un troisième scrutin en trois ans. Mais que s'est-il passé ?
Un conflit d'intérêts
Luís Montenegro est devenu Premier ministre le 2 avril 2024, quelques jours après la victoire lors des élections législatives anticipées de l'Alliance Démocratique de centre-droit, composée par le Parti-social-démocrate (PSD), du CDS-PP et du Parti populaire monarchiste (PPM). Des élections qui avaient été provoquées par la démission du Premier ministre socialiste, Antonio Costa, englué dans un scandale de corruption.
Ayant refusé de s'allier au parti d'extrême-droite Chega d'André Ventura, Luís Montenegro était Premier ministre d'un gouvernement minoritaire au Parlement. La situation politique est difficile, et malgré tout, le gouvernement parvient à faire passer le budget de l'État pour l'année 2025.
Le 15 février 2025, le journal Correio da manhã révèle une possible affaire de conflit d'intérêts autour de Luís Montenegro. Le Premier ministre était le fondateur d'une entreprise d'achat et de revente d'immeubles, Spinumviva. Il aurait transmis ses actions à sa famille, un mois après avoir été élu président du PSD, en 2022.
Cette entreprise aurait plusieurs contrats avec des sociétés privées, dont un groupe de casinos, Solverde, dont les contrats de concessions avec l'État doivent être renouvelés avant la fin de l'année. C'est le début du scandale dans la sphère politique portugaise.
Après le scandale, plusieurs motions de censure déposées
Les critiques pleuvent contre le chef du gouvernement qui se voit accuser de conflit d'intérêts, car bien qu'il ne fasse plus partie de l'entreprise, Luís Montenegro est marié sous un accord de communauté partielle de biens, ce qui fait qu'il pourrait toujours profiter des bénéfices liés à l'entreprise.
De plus, avant d'entrer en politique, Luís Montenegro a été durant quatre ans, entre 2018 et 2022, l'avocat du groupe Solverde, un groupe qui depuis 2021 versait des paiements mensuels de 4.500 euros à Spinumviva. C'est à cette période également que Solverde avait négocié une prolongation de ses concessions avec l'État pour l'exploitation des jeux de casino dans plusieurs régions du pays. Des concessions qui devaient être renégociées avec le gouvernement de Luís Montenegro avant la fin de l'année.
Chute du gouvernement
La classe politique s'empare alors de l'affaire et le parti Chega dépose une motion de censure contre le gouvernement, qui est rejetée. Le Parti communiste portugais fait de même, mais une fois de plus, la motion est rejetée. Dans le même temps, le Parti socialiste propose la création d'une commission d'enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Ce mardi 11 mars, le gouvernement a demandé au Parlement de voter une motion de confiance. Pendant plusieurs heures, les débats sont houleux entre les différents partis. Le gouvernement et le PS ont tenté de négocier sur la durée de la commission d'enquête sans trouver d'accord. Le principal parti d'opposition décide donc de voter contre la confiance.
Peu avant 20 heures et avec 142 voix contre et 88 voix pour, le vote de confiance est rejeté, le gouvernement de Luís Montenegro tombe. C'est seulement la deuxième fois de l'histoire du Portugal qu'un gouvernement tombe de la sorte depuis 1977.
Vers de nouvelles élections ?
Ce mercredi, le président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, recevait les différents représentants des partis politiques qui constituent l'Assemblée nationale. Ce dernier avait annoncé, il y a quelques jours, qu'en cas de chute du gouvernement, l'Assemblée serait dissoute et de nouvelles élections législatives seraient convoquées.
Mais pour dissoudre l'Assemblée nationale, la Constitution portugaise veut que le Conseil d'État soit réuni, ce qui sera fait ce jeudi, dès 15 heures. Les nouvelles élections législatives anticipées pourraient avoir lieu entre le 11 et le 18 mai prochain.