Une crise migratoire sur fond de tensions diplomatiques. Depuis lundi, environ 8.000 personnes, un chiffre sans précédent, ont rejoint Ceuta, enclave espagnole située en Afrique, profitant d'un relâchement des contrôles frontaliers côté marocain. Une décision prise par Rabat en représailles à l'Espagne, qui a accueilli fin avril à l'hôpital de la Rioja Brahim Ghali sous un faux nom, le chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario et ennemi juré du Maroc. Ce mouvement défend, armes à la main, l'autodétermination du Sahara occidental, un territoire contrôlée en grande partie par Rabat, mais dont la souveraineté est contestée.
"Le bon voisinage n'est pas à sens unique"
Perçue par Madrid comme une "agression" et un "chantage" migratoire, la manœuvre marocaine n'en est pourtant pas une pour le ministre des Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita. "Pour moi, c'est d'abord une crise migratoire née d'une crise politique entre deux partenaires", se défend-il au micro d'Europe 1. Une crise dont la responsabilité impute à l'Espagne, affirme le ministre. "Durant quatre ans, le Maroc a démantelé 8.000 cellules de trafic d'êtres humains, 14.000 tentatives de migration clandestines, dont 80 sur la ville de Ceuta", indique Nasser Bourita, désireux de prouver la bonne foi marocaine sur la question de la protection des frontières européennes.
Mais "le bon voisinage n'est pas à sens unique", argue le responsable politique. "Le Maroc n'a pas l'obligation d'agir, le Maroc n'est ni le gendarme, ni le concierge de l'Europe. Il le fait en partenaire", avec un partenariat entre Rabat et Bruxelles "fondé sur la compréhension des intérêts des uns et des autres". Or, "on ne peut pas manigancer le soir contre un partenaire, et lui demander le lendemain d'être loyal", fait encore valoir Nasser Bourita.
"Madrid a créé une crise et veut la faire assumer à l'Europe"
"L'Espagne n'a pas consulté l'Union européenne avant d'accueillir sous un faux nom Brahim Ghali, l'Espagne n'a pas consulté le Maroc. Madrid a créé une crise et veut la faire assumer à l'Europe", affirme encore le ministre, sous-entendant que l'Espagne met en avant la crise migratoire pour détourner le problème.
Et si Nasser Bourita assure que la crise de la Ceuta ne change pas les relations marocaines avec l'Union européenne, il évoque un "problème de confiance" et une "attitude hostile" de son voisin espagnol. Quant à savoir comment cette crise prendra fin, le ministre des Affaires étrangères du Maroc renvoie la responsabilité à l'Espagne : "C'est à eux de trouver la solution." Et de prévenir : "Si l'Espagne pense que la crise pourrait être résolue en exfiltration le monsieur [Brahim Ghali, ndlr] par les mêmes procédés, c'est qu'ils cherchent le pourrissement, l'aggravation de la crise, voire même la rupture."