Avec plus de 3 millions de Brésiliens dans la rue le week-end dernier, et des dizaines de milliers d'autres dans 30 villes cette semaine, le Brésil tout entier vrombit de colère. Entre ces manifestations d'ampleur historique, les chars géants la caricaturant, ou même les battements de casseroles indignés dans les beaux quartiers, la présidente Dilma Rousseff tangue au milieu d'une crise politique majeure. Jour après jour, sa majorité se délite et l'annonce cette semaine de l'entrée au gouvernement de l'ancien président Lula, accusé de corruption, n'a fait qu’accroître la tension ambiante. Retour en cinq questions sur une crise sans précédent dans la nation auriverde.
1. Pourquoi les Brésiliens descendent dans la rue ? Les Brésiliens sont à fleur de peau : le chômage augmente dans le pays, le PIB est en chute libre (-3,8% en 2015) et les incessantes révélations politico-financières de leurs dirigeants n'arrangent rien. Le gouvernement de Dilma Rousseff tente d'affronter la deuxième année de récession qui frappe la 7e économie mondiale, mais le scandale Petrobras qui l'éclabousse l'empêche de faire adopter son programme d'austérité. Conséquence : la grogne populaire se cristallise sur deux figures emblématiques : la présidente et son prédécesseur.
2. Dilma Roussef peut-elle être destituée ? L'ancienne guerillera vit depuis décembre sous la menace d'une procédure de destitution lancée par l'opposition qui l'accuse d'avoir sciemment maquillé les comptes publics en 2014, année de sa réélection, pour atténuer les effets de la crise aux yeux des électeurs. Cependant, pour être destituée, Dilma Rousseff doit l'être par deux tiers des députés alors que le Congrès possède théoriquement 61,2% de députés issus de sa majorité. Pour autant, rien n'exclut que ce rapport de force s'inverse suivant la grogne populaire. Vendredi, c'est la gauche brésilienne qui mobilise ses forces dans la rue, cinq jours après les manifestations anti-Rousseff ayant rassemblé dimanche trois millions de Brésiliens.
3. Pourquoi Lula revient-il au gouvernement ? Dans ce contexte, la nomination mercredi au gouvernement du très populaire Lula a été perçue comme une arme brandie par Dilma Rousseff pour tenter d'éloigner la menace de destitution qui pèse chaque jour plus lourdement sur elle. Petit hic, l'homme du miracle socio-économique brésilien des années 2000 traîne désormais lui aussi son lot de casseroles : corruption dans l'affaire Petrobras, blanchiment d'argent et occultation de patrimoine. Et, loin d'apaiser la situation, l'annonce de son retour politique a embrasé le pays.
4. Lula a-t-il voulu échapper à la détention ? Pour une partie des Brésiliens, la nomination de Lula au poste de "ministre d'Etat, chef de la Maison civile" - soit un poste de super Premier ministre au rôle de premier plan - est une mascarade visant à lui permettre d'échapper aux poursuites judiciaires. A Brasilia, les manifestants ont fabriqué une poupée gonflable géante représentant Lula en tenue de prisonnier à rayures blanches et noires. Sa nomination lui confère un statut privilégié, puisqu'il ne peut désormais plus répondre pénalement de ses actes que devant le Tribunal suprême fédéral, chargé du volet politique du dossier.
5. Pourquoi tout s'accélère ces derniers jours ?Le juge fédéral Sergio Moro estime que la nomination surprise de Lula au gouvernement constitue un délit d’entrave à la justice de la part de la présidente. Un sentiment renforcé par la publication jeudi de nouvelles écoutes téléphoniques qui ont eu l’effet d’une bombe politique. Dans l'enregistrement, Dilma Rousseff expliquait qu'elle allait faire rapidement parvenir à l'ancien président son décret de nomination pour qu'il s'en serve "seulement en cas de nécessité", ce que beaucoup ont interprété comme une allusion à une arrestation. Particulièrement remontée après la publication de ces nouvelles écoutes, Dilma Roussef a lâché : "C’est comme ça que commencent les coups d’Etat".