Trump Biden     Brendan Smialowski / AFP/ Olivier DOULIERY / AFP 4:01
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Séverine Mermilliod
Dans des entretiens avec le journaliste Bob Woodward, le président américain Donald Trump a admis avoir minimisé le risque du coronavirus. Mais selon Jean-Eric Branaa, chercheur spécialiste des Etats-Unis, cela ne changera rien à l'état actuel de la campagne, le match étant déjà "terminé", affirme-t-il sur d'Europe 1.
DÉCRYPTAGE

Il ne reste que 53 jours avant l'élection présidentielle américaine qui verra soit Donald Trump, actuel résident de la Maison Blanche et candidat des Républicains, soit Joe Biden, le candidat Démocrate, l'emporter. Alors que la campagne bat son plein, Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’université Paris-Assas et spécialiste des Etats-Unis, estime vendredi sur Europe 1 qu'en réalité, "le match est terminé" car les Américains sont "déjà décidés". Même les enregistrements de Donald Trump par le journaliste d'investigation Bob Woodward diffusés jeudi, dans lesquels on entend le président admettre avoir minimisé la gravité de l'épidémie de coronavirus, n'auront "aucune conséquence" selon lui.

Pour les supporters de Trump, "il y a toujours une bonne raison"

"Cela n’aura aucune conséquence. Regardez ce qui se passe depuis maintenant deux mois : les chocs sont énormes dans cette campagne, de quoi terrasser dix Trump dans une autre ère ! Et pourtant, il est toujours en place, il n’a pas perdu un point de pourcentage", constate le spécialiste. Les enregistrements réalisés entre 2019 et 2020 par Bob Woodward dans le cadre d'un livre de 18 entretiens avec Donald Trump (avec accord de ce dernier), et qui révèlent qu'il a menti au sujet de l'épidémie, n'y changeront donc rien. Malgré les presque 200.000 morts du Covid-19.

"Le mensonge, c’est certes la plus grande trahison - et il est dénoncé régulièrement pour cela. Il y avait ce vendredi quelqu'un de très important dans l’église épiscopalienne américaine qui expliquait que voir la porte-parole mentir devant la presse alors qu’elle porte une croix était absolument horrible pour lui. Mais à chaque fois, les supporters de Trump disent que ce n’est pas réellement du mensonge, expliquent qu’il y a toujours une bonne raison", poursuit Jean-Eric Branaa.

A huit semaines du vote, et alors que les Etats-Unis approchent des 30 millions de chômeurs, "rien ne va donc jouer dans la dernière ligne droite. En réalité, on le voit depuis deux, trois mois, le match est terminé, les gens sont déjà décidés. Dans les sondages, moins de 10% de gens disent qu’ils ne sont pas décidés et on n’est même pas sûr que ce soit vrai", affirme-t-il.

"Joe Biden est loin devant"

Si rien ne va changer, selon Jean-Eric Branaa, la tendance est toutefois clairement en faveur de Joe Biden. "Je regarde la tendance, pas les sondages. Et cette tendance dit que Joe Biden est loin devant, j’insiste, depuis maintenant six mois. Les sondages lui donnent une avance entre 6 et 12 points selon l’institut, qu’il soit plus proche de Donald Trump ou de Joe Biden. Même si ça se resserre dans certains États clés, la tendance est stable et forte au profit de Joe Biden. On se demande comment Trump pourra remonter cette pente en 53 jours".

En effet d'après lui, "Donald Trump n'a aucune stratégie" quand de son côté Joe Biden, outre le fait que le vote "tout sauf Trump" soit très fort, "était le très bon candidat de cette campagne" avec "des atouts énormes. C’est un centriste, qui occupe ce centre qui pourrait permettre de remporter le match".

Les Américains "en ont marre" et veulent "sortir de la pandémie"

Dans cette campagne très particulière, c’est pour Jean-Eric Branaa Donald Trump lui-même qui a "tué le match". "Il a commencé sa campagne le 9 novembre 2016, il est en campagne permanente depuis quatre ans. Aujourd'hui je crois que les Américains en ont marre, ils veulent arriver à cette élection, passer à autre chose, sortir de cette pandémie qui écrase la campagne et empêche de parler des grands thèmes habituels".

Même le contexte d'émeutes après le décès de Jacob Blake "ne profite à personne", selon le spécialiste des Etats-Unis. "La pandémie est un sujet beaucoup plus fort. Quand vous êtes dans l’Amérique profonde, rurale, vous voyez ces émeutes à la télé mais ce n’est pas votre quotidien. Ce n’est pas ça que les gens regardent; ils regardent leur situation, leur survie, la façon dont on s’occupe d’eux. Et pour l’instant ce n’est pas folichon : il y a quand même du chômage, la prise en charge de la santé qui fait peur... C'est cela que les gens vont regarder au moment de voter. Les affaires sociales sont importantes pour le climat général de cette campagne, mais pas pour son issue", conclut Jean-Eric Branaa.