Des communications de l'Elysée espionnées entre 2006 et 2012. Le scandale devrait durablement influencer les relations diplomatiques entre Paris et Washington. Mardi soir, Mediapart et Libération, grâce à leur coopération avec Wikileaks, ont dévoilé des notes internes de la NSA, l'agence du renseignement américaine, révélant que la Maison-Blanche a intercepté les communications des trois derniers présidents en exercice de 2006 à 2012.
"De la concurrence déloyale". Une découverte pas si surprenante pour les diplomates français qui craignaient de telles pratiques, mais aussi au vu des précédents qui avaient prouvé que la NSA écoutait la présidente brésilienne Dilma Roussef ou encore la chancelière allemande Angela Merkel. Interrogé à ce sujet sur Europe 1 par Thomas Sotto, le directeur de Mediapart compare cette pratique à de la "concurrence déloyale" : "c'est une façon de connaître à l'avance les intentions de ses ennemis normalement, mais ici de ses alliés", dénonce-t-il. Preuve de l'obsession sécuritaire : les présidents français sont équipés de téléphones cryptés, mais ne les utilisent souvent pas pour leurs conversations privées.
"Obsession sécuritaire". Le directeur de la rédaction de Libération, Johan Hufnagel, lui aussi à l'antenne d'Europe 1 mercredi matin, nuance en ajoutant que les téléphones qui ont été écoutés sont des "portables personnels", rien à voir avec les "lignes sécurisées utilisées pour parler des questions de défense ou d'autres sujets sensibles". "C'est à la fois anecdotique et symbolique", poursuit-il, "puisqu'on a l'impression que les Américains ont une telle capacité d'écoute qu'ils ont maintenant une obsession sécuritaire de surveillance".
"Une crise diplomatique immense." Sur le principe, Edwy Plenel voit en ces écoutes illégales "un détournement des potentialités qu'offre la révolution numérique au service d'une jungle étatique". Résultat, poursuit l'ancien journaliste du Monde, "les alliés créent de la méfiance" et se projettent dans "une crise diplomatique immense".
Un écho particulier alors que l'Assemblée adopte la loi renseignement. Une nouvelle révélée dans un timing opportun, puisque l'Assemblée nationale doit adopter définitivement la loi renseignement française lors d'un vote mercredi. L'occasion pour Edwy Plenel de rappeler que ce scandale de la NSA "interroge la France sur elle-même, car au même moment, la France voudrait faire la même chose".
La surveillance de masse française pourrait être sous-traitée aux Etats-Unis. Or, poursuit le journaliste de Mediapart, "ce n'est pas parce que les Etats-Unis développent des pratiques illégales au regard du droit international que nous devrions suivre le mauvais exemple, nous devrions plutôt défendre un autre modèle de démocratie." D'autant que son confrère Johan Hufnagel explique que les Français "vont devoir sous-traiter" leur travail de surveillance... aux Américains. Si la crise diplomatique est bel et bien là, pas sûr que François Hollande ait la marge de manœuvre suffisante pour discuter sans retenue avec Washington.