Ils sont au moins 150, recensés par les autorités israéliennes, auxquels il faut ajouter des centaines de personnes encore portées disparues, dont 18 Français. Les otages, capturés par le Hamas au cours de son raid meurtrier en territoire israélien samedi dernier, offrent un avantage au mouvement islamiste palestinien qui pourrait s'en servir comme bouclier humain afin de limiter la portée de la riposte israélienne.
L'Allemagne a récemment pris contact avec le Qatar et demandé à l'émirat du Golfe d'œuvrer pour obtenir leur libération. Car aux côtés de la Turquie et de l'Égypte, Doha apparaît comme l'un des rares potentiels médiateurs de ce conflit entre Israël et le Hamas. "Ce n'est pas la première fois que le Qatar veut se positionner comme un 'Go-between', un intermédiaire", note David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Iris et spécialiste du Moyen-Orient. Citant notamment l'exemple du retrait américain d'Afghanistan en 2021, où Doha avait favorisé l'évacuation d'au moins 55.000 personnes.
Qatar et Turquie : une crédibilité en berne ?
L'expert juge néanmoins très incertain le succès de l'opération. "La position du Qatar risque de devenir très inconfortable, car Doha est, depuis des années, le sponsor financier du Hamas. Il y a un parrainage idéologique de longue date entre le Qatar et le Hamas. Et cela va poser au problème, au regard de ce qu'il vient de se passer, car cela induira le fait que le Qatar est le sponsor d'un mouvement qui a manifesté une forme de 'daeshisation'", avance David Rigoulet-Roze. Le Qatar serait alors contraint d'assumer sa proximité avec une organisation terroriste. De quoi saper une partie de sa crédibilité en tant qu'intermédiaire.
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Un embarras que pourrait également rencontrer la Turquie dans un éventuel rôle d'intermédiaire entre les deux belligérants. Car Ankara perpétue, elle aussi, des liens avec la mouvance des Frères musulmans dont se réclame le Hamas. "Les dirigeants du Hamas ont été reçus avec le tapis rouge à plusieurs reprises par Ankara", nous expliquait cette semaine Didier Billion, directeur adjoint de l'Iris. De quoi susciter des doutes quant à la capacité réelle de la Turquie à s'ériger en médiateur, avance David Rigoulet-Roze. "La Turquie avait déjà tenté de jouer les intermédiaires à propos des céréales ukrainiennes. Et ça n'avait marché que partiellement", argumente-t-il. En juillet 2022, sous l'égide l'Onu et de la Turquie, Kiev et Moscou avaient conclu un accord limité dans le temps, permettant à l'Ukraine d'exporter ses céréales via trois de ses ports. La Russie avait ensuite refusé de le renouveler.
Un temps d'avance pour l'Égypte ?
Reste alors un troisième acteur, peut-être le plus crédible de tous : l'Égypte, ancienne administratrice de la bande de Gaza, aujourd'hui aux mains du Hamas. Car contrairement à Doha et Ankara, Le Caire bénéficie de "la confiance des Israéliens", fait valoir David Rigoulet-Roze. "Il y a un partenariat sécuritaire qui est très ancien entre les deux parties", ajoute-t-il. L'Égypte peut également se prévaloir d'une "supervision relativement fine de ce qu'il passe sur la bande de Gaza" et présente un argument géographique majeure. "À Rafah, il y a le seul point de passage vers l'extérieur. Notamment dans le cas où il y aurait une catastrophe humanitaire. C'est à cet endroit que l'on pourrait prévoir un couloir humanitaire et c'est cela qui est envisagé aujourd'hui", développe David Rigoulet-Roze.
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Mais un tel scénario suscite d'importantes réticences côté égyptien. "Ils n'ont pas envie de voir affluer en masse des millions de gazaouis chez eux", pointe le spécialiste. D'autant que l'établissement de corridors humanitaires, qu'ils soient en direction de l'Égypte ou d'Israël, soulève le risque d'une possible présence de cadres du Hamas dans le flux de population. "On se souvient du syndrome terroriste lorsque des djihadistes s’étaient fondus dans les flux lors de la crise migratoire ", conclut-il.