Joute verbale. Pour l’instant, ce ne sont que des mots. Mais la joute verbale qui a opposé Washington à Pékin vendredi dernier témoigne bien de la tension qui règne entre les deux grandes puissances autour de la mer de Chine. Un enjeu stratégique majeur sur les plans commercial et militaire qui a donc poussé la Chine à hausser le ton vendredi après que l’armée américaine a envoyé un avion-espion faire un vol de reconnaissance sur cette mer considérée comme chasse gardée par Pékin. "C’est une initiative irresponsable et dangereuse, qui pourrait déstabiliser la région et menacer la paix", avait alors répliqué le ministre des Affaires Etrangères chinois, cité par The Daily Beast (en anglais).
Avions-espions et politique du polder. Une déclaration qui couronnait un long épisode de tension diplomatique, initié par la marine chinoise. Mercredi, elle avait envoyé huit navires serrer de près un avion patrouilleur américain pour le dissuader de trop s’approcher des îles Spratleys. Un archipel inhabité, qui n’appartient à aucun des Etats qui bordent la mer de Chine, et qui suscite donc les convoitises de ces derniers. Si les îles Spratleys n’ont pas d’intérêt en elles-mêmes, s’accaparer ces terres, c’est s’assurer d’étendre ses eaux territoriales dans cette mer très convoitée. C’est pourquoi la Chine a discrètement installé un port et des pistes d’avions sur l’archipel, étendant sa superficie de 4 km² supplémentaire, ce qui permet à Pékin d’empêcher les avions étrangers d’emprunter les couloirs aériens passant au-dessus de cet archipel.
Guerre pour étendre ses eaux territoriales. Étendre son empire maritime, voilà un défi que Pékin essaye de relever depuis plusieurs années. Si la Chine revendique les îles Spratleys, elle développe depuis peu une toute autre stratégie : construire des îlots artificiels, qui, bien placés, permettent d’élargir ses frontières maritimes (le droit international accorde 200 milles d’eaux territoriales autour de toute possession, ndlr). Une tactique que goûte très peu Washington, qui avait annoncé "envisager l’envoi de navires et d’avions" près de ces îlots. Ce qui avait provoqué de vives réactions dans les colonnes du Global Times (en anglais), un journal financé par le parti communiste chinois : "La Chine doit se préparer minutieusement" à la possibilité d’une guerre avec les Etats-Unis, peut-on lire dans le tabloïd.
Le poumon du commerce maritime mondial. Si la mer de Chine attise à ce point les convoitises de Pékin, qui revendique le contrôle de 90% de sa superficie, mais aussi de Hong-Kong, Taïwan, des Philippines, de l’Indonésie et du Vietnam, c’est que l’enjeu est de taille. Sur ces 3,5 millions de km² d’eau transitent pour 5 milliards d’euros de marchandises chaque année, dont la moitié des supertankers mondiaux. Dernier chiffre marquant, 6 des 10 plus grands ports commerciaux de la planète se situent sur les rives de cette mer.