"Je suis assis là depuis 7 heures du matin, je veux rester debout." Il a beau risquer jusqu'à trois ans et demi de prison, c'est un Alexeï Navalny détendu, souriant, voire arrogant, qui a fait face à un juge moscovite mardi. La justice russe reproche au principal opposant du président Vladimir Poutine d'avoir violé son contrôle judiciaire, alors qu'il était dans le coma à Berlin après un empoisonnement en août, dont il accuse le chef de l'État d'être responsable.
Un fast-food à la suspension de séance
Incarcéré depuis son retour en Russie le 17 janvier, Alexeï Navalny a été introduit dans la cage de verre réservée au prévenu juste avant que la cour déclare l'audience ouverte, vers 11h20 heure locale. Souriant, détendu, parfois même insolent, il a notamment refusé de s'asseoir au début de la séance. Quelques minutes plus tard, le responsable de l'administration russe a réclamé que l'opposant soit envoyé dans un camp, ces prisons isolées de tout héritées du système soviétique. Mais pas de quoi impressionner l'homme de 44 ans qui a même demandé à un ami d'aller lui chercher de la nourriture de fast-food à la suspension de séance.
À la reprise, l'opposant a qualifié sa comparution devant la justice de tentative de "faire peur à des millions" de Russes avant de se lancer dans un réquisitoire contre Vladimir Poutine. "Le plus important dans ce procès est de faire peur à une quantité énorme de gens. On en emprisonne un pour faire peur à des millions d'autres, mais vous ne pourrez pas emprisonner tout le pays ! ", a-t-il martelé depuis la cage en verre.
Poutine "entrera dans l'histoire comme l'empoisonneur de slips"
Puis, Alexeï Navalny a répété que Vladimir Poutine était celui qui avait ordonné au FSB, les services de sécurité russes, de le tuer, en l'empoisonnant en août en Sibérie à l'aide d'un agent neurotoxique. Fin décembre en effet, l'opposant avait affirmé dans une vidéo avoir piégé au téléphone un agent du FSB en se faisant passer pour l'assistant d'un haut responsable, celui-ci révélant que le poison avait été appliqué sur un de ses sous-vêtements, subtilisé dans son hôtel lors d'un voyage en Sibérie. Poutine "entrera dans l'histoire comme l'empoisonneur de slips", a lâché Navalny lors du procès.
L'audience intervient après deux week-ends de manifestations de soutien dans toute la Russie, la plus importante vague de protestations dans le pays de ces dernières années, qui se sont soldées à chaque fois par des milliers d'arrestations. Devant le palais de justice mardi, une centaine de personnes ont été arrêtées, selon l'ONG spécialisée OVD-Info, alors que les alliés de l'opposant avaient appelé à un rassemblement interdit par les autorités.
Pour les juges, l'enjeu est de trouver un bon dosage dans la peine. Si le tribunal est trop dur, il peut faire de Navalny un martyr et amplifier le mouvement de contestation. Mais si la peine est trop souple, il prend le risque de voir l'opposant continuer ses dénonciations du système de corruption.
"Ça n'empêche pas les Russes de se mobiliser"
"Ils peuvent le mettre en prison autant de temps qu'ils le veulent, les membres de son équipe le sont depuis des semaines ou des mois", affirme au micro d'Europe 1 Arseni, un Russe qui projette de manifester devant le tribunal. "Ça n'empêche pas les Russes de se mobiliser et de descendre dans la rue par milliers."