Il y a 20 ans, 8.000 musulmans bosniens étaient massacrés à Srebrenica. Samedi, des dizaines de milliers de personnes participent en Bosnie-Herzégovine aux cérémonies de commémoration du pire massacre depuis la Seconde Guerre mondiale en Europe. Et si le Premier ministre serbe Aleksandar Vuvic est présent, la mémoire de Srebrenica et la réconciliation entre les deux peuples est toujours douloureuse.
Pour preuve, le responsable a été contraint de quitter les lieux après avoir été visé par des jets de pierre. Aleksandar Vucic, touché à la tête par un projectile, est parti en courant du cimetière, entouré par ses gardes du corps. Ses lunettes ont été cassées alors qu'il venait de déposer une fleur devant un monument portant les noms des victimes lorsque la foule a commencé à scander Allah Akbar (Dieu est grand) et à lancer des pierres dans sa direction.
"Je regrette que certains n'aient pas reconnu notre intention sincère". "Le Premier ministre s'est comporté en homme d'État en décidant d'aller s'incliner devant les victimes (...). C'est une attaque non seulement contre Vucic mais contre toute la Serbie et sa politique de paix et de coopération régionale", a déclaré Ivica Dacic, le chef de la diplomatie serbe, dans un communiqué.
Le Premier ministre serbe a, pour sa part, affirmé samedi que sa main "restait tendue" pour la réconciliation. "J'exprime des regrets pour ce qui s'est passé aujourd'hui et je regrette que certains n'aient pas reconnu notre intention sincère d'édifier une amitié sincère entre Serbes et musulmans. Ma main reste tendue et je poursuivrai ma politique de réconciliation", a déclaré à la presse à Belgrade Aleksandar Vucic.
La Bosnie condamne et ouvre une enquête. De son côté, la présidence de Bosnie a fermement condamné les incidents. Dans un communiqué, la présidence tripartite à Sarajevo "condamne dans les termes les plus vifs l'attaque d'aujourd'hui et exprime ses profonds regrets". Tout en saluant la présence de Aleksandar Vucic aux cérémonies du 20e anniversaire du massacre de quelque 8.000 hommes et garçons musulmans, elle promet en outre une enquête pour identifier rapidement les auteurs des violences de samedi.
Les demi-mots de la Serbie. Juste avant son départ pour Srebrenica, le responsable serbe avait publié une lettre ouverte dans laquelle il dénonçait un "crime monstrueux" des 8.00 musulmans il y a 20 ans. "Il n'y a pas de mots que quiconque pourrait prononcer pour exprimer sa tristesse et ses regrets pour les victimes, ni sa colère à l'égard de ceux qui ont commis ce crime monstrueux", avait écrit Aleksandar Vuvic, ancien ultranationaliste devenu pro-européen convaincu.
Il refuse toujours d'employer le mot "génocide" et de reconnaître la responsabilité de l'Etat à l'époque de Slobodan Milosevic, soutenu par ses alliés. Mercredi, la Russie a opposé son veto à un projet de résolution de l'ONU pour qualifier le massacre de "génocide", une décision dont Belgrade s'est félicité. Le sujet anime toujours les débats sur la scène politique internationale et reste une question qui empoisonne les relations entre la Serbie et la Bosnie.
A son arrivée à Srebrenica, Aleksandar Vucic avait été brièvement conspué par un groupe de participants, avant d'entrer dans un hangar où il a signé le livre de condoléances. Il s'était entretenu avec des mères de victimes, dont une lui avait donné une longue accolade.
La pire tuerie en Europe depuis 1945. Lors de la cérémonie, les cercueils de 136 victimes tuées le 11 juillet 1995 seront enterrées. A ce jour, 6.241 victimes retrouvées et identifiées ont été enterrées au mémorial de Srebrenica et 230 autres dans différents cimetières. La guerre de Bosnie, qui touchait à sa fin au moment du massacre de Srebrenica, a fait au total 100.000 morts et déplacé la moitié de la population bosnienne.
Vingt ans après, les stigmates de cette guerre grève toujours l'avenir de la Bosnie. Le pays, un des plus pauvres d'Europe, est figé dans ses divisions. Après une période d'ébauche de construction d'un État viable - au forceps et sous la pression de la communauté internationale -, Sarajevo n'a pas trouvé de formule pour rassembler son peuple entre Bosniaques musulmans, Croates catholiques et Serbes orthodoxes.