Le Sri Lanka a connu un sanglant dimanche de Pâques avec une vague coordonnée d'attentats contre des hôtels de luxe et des églises remplies, qui ont tué au moins 207 personnes, dont plusieurs dizaines d'étrangers, et soulevé un émoi mondial.
Aucun groupe n'a revendiqué ces attaques, mais les autorités ont arrêté huit personnes et vérifient d'éventuels "liens avec l'étranger". En quelques heures, des bombes ont semé mort et désolation dans quatre hôtels et trois églises, en pleine messe de Pâques, en plusieurs endroits de l'île d'Asie du Sud, qui n'avait pas connu un tel déchaînement de violence depuis la fin de la guerre civile il y a dix ans.
Les informations à retenir :
- Au moins 207 personnes sont mortes et des centaines d'autres blessées dans huit explosions survenues dimanche dans des hôtels, des églises et une maison au Sri Lanka.
- Au moins 35 étrangers, dont un Portugais, plusieurs Américains et Britanniques figurent parmi les victimes
- Les attentats n'ont pas encore été revendiqués, mais huit personnes, des "locaux", ont été arrêtées
Huit lieux pris pour cibles
L'attaque a visé des églises, des hôtels de luxe et une maison, dans la capitale Colombo et dans sa banlieue, ainsi qu'à Batticaloa dans l'est du pays.
Deux déflagrations se sont produites dans la matinée dans l'église Saint-Anthony de Colombo et l'église Saint-Sébastien de Negombo, au nord de la capitale. "Attentat contre notre église, s'il vous plaît, venez nous aider si des membres de votre famille s'y trouvent", pouvait-on lire dans un message en anglais posté sur le compte Facebook de l'église Saint-Sébastien de Katuwapitiya, à Negombo. Une troisième église, située à Batticaloa, dans l'est du pays, a également été prise pour cible. Un responsable de l'hôpital local a affirmé que 300 personnes avaient été blessées.
Trois hôtels haut de gamme ont également été touchés dans la matinée, parmi lesquels le Cinnamon Grand Hotel de Colombo, près de la résidence officielle du Premier ministre. Des témoins rapportent qu'un kamikaze a enclenché sa bombe dans la file de clients attendant de pouvoir entrer pour un buffet de Pâques dans un restaurant de l'établissement. Selon des responsables de l'hôtel, le terroriste, un ressortissant sri-lankais, avait pris une chambre depuis samedi dans l'établissement.
En début d'après-midi, une septième explosion a eu lieu dans un hôtel de Dehiwala, dans la banlieue sud de Colombo, suivie de près par une huitième à Orugodawatta, au nord de la capitale. Ce dernier attentat a été perpétré par un kamikaze, qui a déclenché sa charge explosive dans une maison inspectée par la police.
Au moins 207 morts et des centaines des blessés
Le bilan, qui s'établit actuellement à 207 morts, pourrait encore évoluer. Trente-cinq personnes de nationalité étrangères sont mortes. Un jeune Portugais d'une trentaine d'années qui se trouvait avec son épouse figure parmi les victimes, a rapporté l'agence de presse Lusa, de source diplomatique. Plusieurs américains ont également trouvé la mort, a indiqué le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, sans donner de chiffre. Au moins cinq Britanniques ont aussi été tués dans ces attaques, a indiqué une source gouvernementale. À Orugodawatta, ce sont trois policiers qui ont été tués par un kamikaze, alors qu'ils venaient d'entrer dans une maison pour une opération de recherches.
Pas de revendication mais des arrestations
Huit personnes ont été arrêtées en lien avec cette vague d'attentats, a annoncé le Premier ministre Ranil Wickremesinghe. "Jusqu'ici les noms que nous avons sont locaux" mais les enquêteurs cherchent à savoir s'ils ont d'éventuels "liens avec l'étranger", a déclaré dans une allocution télévision le chef de gouvernement, sans donner davantage de précisions.
La nature exacte de ces déflagrations demeurait inconnue dans l'immédiat et aucune revendication n'a été faite. Mais le chef de la police nationale, Pujuth Jayasundara, avait alerté ses services il y a dix jours en indiquant qu'un mouvement islamiste appelé NTJ (National Thowheeth Jama'ath) projetait "des attentats suicides contre des églises importantes et la Haute commission indienne". Le NTJ s'était fait connaître l'an passé en lien avec des actes de vandalisme commis contre des statues bouddhistes.
Le Sri Lanka est un pays à majorité bouddhiste, et les catholiques sont estimés à 1,2 million sur une population totale de 21 millions d'habitants. Le pays compte environ 70% de bouddhistes, 12% d'hindouistes, 10% de musulmans et 7% de chrétiens.
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Un couvre-feu mis en place à durée indéterminée
Le président srilankais Maithripala Sirisena s'est dit choqué par les explosions, tandis que le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a condamné des "attaques lâches". Le ministre des Finances Mangala Samaraweera a déclaré sur Twitter que les attaques avaient tué "de nombreux innocents" et semblaient "une tentative coordonnée pour provoquer des meurtres, le chaos et l'anarchie".
Les autorités ont décrété un couvre-feu à durée indéterminée. Le ministère de la Défense avait initialement annoncé que le couvre-feu entrerait en vigueur à 18 heures locales (14h30 en France) pour une durée de douze heures. Le gouvernement a en outre décrété le blocage temporaire des réseaux sociaux pour empêcher la diffusion d"informations incorrectes et fausses".
Des condamnations unanimes
"Pâques endeuillé", "horreur et douleur": en France, responsables politiques de la majorité et des oppositions ont condamné les attaques. Emmanuel Macron a "fermement" condamné des "actes odieux" et des "attaques terroristes". À droite, Valérie Pécresse (LR), s'est dite "terriblement choquée et infiniment triste de voir ces fêtes de Pâques endeuillées par un lâche et barbare attentat". "Pâques tragiques pour les chrétiens du Sri Lanka. L'horreur et la douleur. Totale solidarité", a quant à lui réagi le premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
Profonde tristesse après les attaques terroristes contre des églises et des hôtels au Sri Lanka. Nous condamnons fermement ces actes odieux. Toute notre solidarité avec le peuple sri lankais et nos pensées pour tous les proches des victimes en ce jour de Pâques.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) April 21, 2019
L'Union européenne "prête à apporter son soutien". Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a de son côté fait part de son "horreur" et de sa "tristesse", affirmant que l'Union européenne se tenait "prête à apporter son soutien". Le président américain Donald Trump a de son côté condamné sur Twitter "les attaques terroristes horribles contre des églises et des hôtels", assurant à son tour : assurant: "nous sommes prêts à apporter notre aide!".
It was with horror and sadness that I heard of the bombings in #SriLanka costing the lives of so many people. I offer my heartfelt condolences to the families of the victims who had gathered to worship peacefully or come to visit this beautiful country. We stand ready to support.
— Jean-Claude Juncker (@JunckerEU) April 21, 2019
Les responsables religieux ont également été nombreux à faire part de leur indignation. Le pape François a exprimé sa "tristesse", se déclarant proche de "toutes les victimes d'une si cruelle violence". La grande institution de l'islam sunnite Al-Azhar, basée au Caire, a condamné "l'attaque terroriste au Sri Lanka". "Je n'arrive pas à imaginer qu'un être humain puisse cibler des personnes paisibles durant leur jour de fête", a commenté le grand imam d'Al-Azhar, le cheikh Ahmed al-Tayeb, via un tweet sur le compte de l'institution. "L'instinct de ces terroristes contredit les préceptes de toutes les religions", a-t-il ajouté.