Suède : des enfants tueurs recrutés sur les réseaux sociaux, au milieu d'une guerre des gangs

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avec AFP / Crédit photo : NICOLAS TUCAT / AFP
Depuis plusieurs années, la Suède est confrontée aux violences entre gangs se disputant le contrôle du trafic de drogues. Un fléau qui implique également de très jeunes tueurs à gage, recrutés par l'intermédiaire des réseaux sociaux.

"Frère, j'attends avec impatience mon premier corps", écrit sur Instagram un garçon de 11 ans. En Suède, de très jeunes tueurs à gage échappant aux sanctions pénales sont recrutés par les gangs via des messageries cryptées. "Soit motivé, ça va venir", lui répond son interlocuteur âgé de 19 ans.

Dans cet échange, daté du 16 décembre 2023, l'adulte a promis 150.000 couronnes (13.000 euros) à l'enfant pour commettre un meurtre, lui fournissant vêtements et transport vers le lieu du crime, selon un rapport d'enquête préliminaire de la police du comté de Värmland (centre-ouest) consulté par l'AFP. Dans cette affaire, quatre hommes âgés de 18 à 20 ans sont accusés d'avoir recruté autant enfants de 11 à 17 ans pour le compte d'un gang. Tous ont été arrêtés avant de passer à l'acte.

Plus de 50 victimes l'an passé

Le rapport préliminaire est truffé de captures d'écran de jeunes adolescents s'envoyant des "snaps" munis d'armes de poing, certains torse nu, d'autres encagoulés. Interrogé par la police, l'enfant a admis avoir écrit ce message pour paraître "cool" et "ne pas montrer sa peur". Son cas n'est pas isolé.

La Suède peine depuis plusieurs années à endiguer les violences entre gangs qui se disputent le contrôle du trafic de drogues à coup de fusillades et d'attaques à l'engin explosif artisanal. L'an dernier, 53 personnes ont été tuées dans des fusillades, dont des victimes innocentes, dans ce pays comptant 10,5 millions d'habitants.

Les chefs de gangs agissent le plus souvent depuis l'étranger, par le biais d'intermédiaires qui recrutent, via des messageries cryptées, des adolescents de moins de 15 ans, âge de la responsabilité pénale. "Elle s'organise en une sorte de marché où des missions sont publiées sur des forums de discussion, et où les exécutants sont de plus en plus jeunes", a souligné le chef de la police nationale Johan Olsson lors d'une conférence de presse début octobre.

"Crimefluencers"

Il existe aussi des influenceurs du crime, comme les "crimefluencers" sur TikTok, qui, au-delà d'exhiber leur vie criminelle, facilitent les contacts entre donneurs d'ordre et tueurs à gage, explique à l'AFP Sven Granath, professeur en criminologie à l'université de Stockholm. Entre janvier et août 2023 et cette même période en 2024, le nombre de cas dans lesquels des enfants de moins de 15 ans sont soupçonnés de meurtre, tentative de meurtre et préparation de meurtre, est passé de 31 à 102, selon les chiffres du parquet.

Ces jeunes ont souvent des difficultés à l'école, des troubles de l'attention, des problèmes d'addiction ou ont déjà eu affaire à la justice, explique le professeur. "Ils sont recrutés dans des conflits avec lesquels ils n'ont aucun lien, en tant que mercenaires" et sans forcément avoir été membre d'un gang auparavant, souligne-t-il.

"Aujourd'hui, tout le monde veut devenir meurtrier. C'est incroyablement triste de voir que c'est ce à quoi les jeunes (dans ces milieux) aspirent", raconte à l'AFP Viktor Grewe, 25 ans, ancien criminel. Lui-même a eu affaire à la police pour la première fois à l'âge de 13 ans. Ce dernier, qui a décidé à 22 ans de renoncer à la criminalité, explique que ces jeunes ne croient pas en l'avenir, persuadés de ne pas vivre au-delà de 25 ans.

À noter qu'en Suède, les enfants de moins de 15 ans ne peuvent être condamnés pénalement, leur prise en charge revenant aux services sociaux.