La Turquie a lancé mercredi en début d'après-midi une opération militaire conte les Kurdes, dans le nord de la Syrie. L'armée turque cible les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qui a aidé les pays occidentaux dans la lutte contre l'État islamique. Plusieurs civils ont été tués dans les bombardements. Donald Trump avait retiré ces derniers jours les troupes américaines le long de la frontière syrienne, donnant de fait un feu vert à une opération turque contre l'YPG, bête noire du président Erdogan. Le déclenchement de cette opération a aussitôt provoqué une émotion internationale. L'Union européenne a exigé l'arrêt de l'offensive, tandis que Donald Trump est critiqué jusque dans son propre camp pour avoir "abandonné" les Kurdes, pourtant alliés des États-Unis.
Les trois infos à retenir :
- La Turquie a lancé une opération militaire contre les Kurdes de l'YPG dans le nord de la Syrie. Plusieurs civils ont été tués
- L'YPG est l'un allié des Occidentaux dans la lutte contre les djihadistes, mais est la bête noire des Turcs
- L'offensive est vivement critiquée sur la scène internationale, alors que Donald Trump est accusé jusque dans son propre camp d'avoir "lâché" les Kurdes
Des frappes aériennes à la frontière, plusieurs civils
L'annonce du début de l'offensive contre les Unités de Protection du Peuple (YPG) a été faite par le président turc Recep Tayyip Erdogan, plus que jamais déterminé à éloigner de la frontière turque cette milice que la Turquie considère comme "terroriste" en raison de ses liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). "Les Forces armées turques et l'Armée nationale syrienne (des rebelles syriens soutenus par Ankara, ndlr) ont débuté l'opération 'Source de paix' dans le nord de la Syrie", a annoncé Erdogan sur Twitter. Cette opération vise, selon lui, "les terroristes des YPG et de Daech" (acronyme arabe du groupe État islamique) et a pour objectif de mettre en place une "zone de sécurité" dans le nord-est de la Syrie.
Des frappes aériennes ont été menées quelques instants plus tard. L'offensive a fait 15 morts dont 8 civils, a annoncé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), ajoutant que des "milliers de déplacés" fuyaient les zones bombardées. Cette offensive, que la Turquie menaçait depuis plusieurs mois de lancer, est la troisième d'Ankara en Syrie depuis 2016.
Les bombardements ont visé des villes kurdes du nord de la Syrie. @Delil SOULEIMAN / AFP
Donald Trump accusé d'avoir "lâché les Kurdes"
Le président américain a été critiqué jusque dans son propre camp, certains l'accusant d'avoir "lâché" les Kurdes. Donald Trump avait semblé donner son feu vert dimanche à une telle opération, avant de nuancer ses propos et d'assurer que Washington n'avait "pas abandonné les Kurdes", qui ont joué un rôle crucial dans la défaite militaire de l'EI. Des troupes américaines avaient quitté lundi le secteur de Ras al-Aïn et d'autres zones frontalières où elles étaient stationnées, avant que Washington ne tempère les craintes en assurant qu'il s'agissait d'un redéploiement vers d'autres régions.
Si les Occidentaux louent le rôle des YPG dans la bataille contre l'EI, Ankara considère ces combattants kurdes comme une menace à sa sécurité en raison de leurs liens avec le PKK, qui livre une guérilla sur le sol turc. Quelques heures avant le début de l'offensive, les Kurdes de Syrie, confrontés aux atermoiements de leur allié américain, avaient décrété une "mobilisation générale" des habitants de la région, tout en appelant Moscou à intervenir pour faciliter le dialogue avec le régime de Damas.
Un tollé international
Le lancement de l'offensive turque a aussitôt suscité un tollé international. La France a "très fermement" condamné l'opération, alors que l'Union européenne a menacé de couper ses financements. "La Turquie doit cesser l'opération militaire en cours. Elle ne donnera pas de résultat. Et si le plan de la Turquie est la création d'une zone de sécurité, n'attendez pas de financement de l'Union européenne", a affirmé le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker, devant le Parlement européen réuni à Bruxelles. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira en urgence jeudi.
Aux Etats-Unis, un poids lourd des Républicains et proche de Donald Trump, Lindsey Graham, a accusé le président américain d'avoir "honteusement abandonné les Kurdes" et s'est dit favorable à ce qu'"Erdogan paie très cher". Le président américain a, lui, estimé que l'opération d'Ankara était "une mauvaise idée". En début de semaine, c'est pourtant le retrait des troupes américaines de secteurs frontaliers en Syrie et les déclarations contradictoires de la Maison-Blanche qui ont ouvert la voie à l'offensive.