Syrie : les rebelles disent commencer à encercler Damas, les forces gouvernementales nient s'être retirées
Depuis le 27 novembre, les rebelles progressent à vue d'œil en Syrie. Après Alep, Hama et Homs, les rebelles disent encercler Damas. Les forces gouvernementales qui étaient présentes sur place se sont retirées, d'après Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). L'aide des pays alliés devient plus que nécessaire.
Les groupes rebelles qui mènent une avancée fulgurante à travers la Syrie ont affirmé ce samedi avoir commencé à encercler Damas, alors que les forces gouvernementales ont nié s'être retirées de zones proches de la capitale. La présidence syrienne a démenti des informations selon lesquelles le président syrien Bachar al-Assad aurait fui le pays, disant qu'il exerçait ses "fonctions" depuis Damas.
Dans le centre de la Syrie, les rebelles sont également aux portes de Homs, la troisième ville du pays, d'après l'OSDH. Il est difficile de vérifier de façon indépendante la situation sur le terrain.
Une avancée spectaculaire pour les rebelles
Le 27 novembre, une coalition de rebelles, menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a lancé une offensive à partir de son fief à Idleb (nord-ouest), s'emparant de dizaines de localités et des villes stratégiques d'Alep, deuxième ville du pays (nord), et de Hama (centre). Il s'agit de l'avancée la plus spectaculaire en 13 ans de guerre en Syrie.
Les forces rebelles ont "commencé à encercler" la capitale, a déclaré en début d'après-midi un important commandant de la coalition rebelle, Hassan Abdel Ghani, après avoir dit qu'elles étaient à moins de 20 kilomètres de l'entrée sud de Damas.
"Damas vous attend", a lancé le leader de HTS, Ahmed al-Chareh, dans un communiqué adressé aux rebelles. La veille, il avait déclaré à CNN que "le but de la révolution" était "de renverser (le) régime" syrien. Selon des témoins, des manifestants ont renversé une statue de Hafez al-Assad, défunt père et prédécesseur de Bachar, à Jaramana, dans la banlieue de Damas.
2.000 de soldats de l'armée syrienne ont fui les combats et sont entrés en Irak
Les forces gouvernementales se sont retirées de localités à une dizaine de kilomètres de Damas, a affirmé l'OSDH, qui a ajouté qu'elles avaient aussi abandonné leurs positions dans la province de Qouneitra, qui borde le plateau du Golan annexé par Israël.
Le ministère de la Défense a toutefois affirmé que les informations selon lesquelles les forces armées syriennes, "présentes dans toutes les zones de la campagne de Damas, se sont retirées, ne sont pas fondées".
Quelque 2.000 de soldats de l'armée syrienne ayant fui les combats sont entrés en Irak, ont indiqué samedi à l'AFP deux responsables de sécurité irakiennes, sans dire de quelle région venaient ces militaires.
Les forces gouvernementales reprennent le contrôle
Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH, a en outre déclaré à l'AFP que des combattants rebelles locaux contrôlaient désormais toute la province de Deraa, berceau du soulèvement de 2011 contre le gouvernement du président Bachar al-Assad repassée sous son contrôle en 2018.
Peu avant l'annonce de la prise de Deraa par les rebelles, l'armée syrienne avait annoncé qu'elle se redéployait dans cette province, ainsi que la province voisine de Soueida, "après que des éléments terroristes ont attaqué des points de contrôle isolés". Les forces gouvernementales "commencent à reprendre le contrôle des provinces de Homs et de Hama", avait-elle aussi ajouté.
Selon l'OSDH, les forces gouvernementales avaient envoyé "d'importants renforts" près de Homs, tandis que Damas et son allié Moscou ont lancé des frappes et des tirs d'artillerie sur les combattants. Devant l'avancée rebelle, Hassan Abdel Ghani a invité "toutes les confessions à être rassurées, affirmant que "l'ère du sectarisme et de la tyrannie" était "révolue à jamais".
Une situation "inadmissible"
Des images de l'AFP ont montré des combattants rebelles en armes à al-Rastan, une localité située au nord de Homs qu'ils traversaient à bord de jeeps ou de motos. Sur des images diffusées sur les réseaux sociaux, on entend le bruit de coups de feu dans le nord de la ville de Homs. Le conflit en Syrie a été déclenché après la répression d'un soulèvement populaire qui a dégénéré en guerre civile en 2011. Il a fait plus d'un demi-million de morts et morcelé le pays en zones d'influence avec des belligérants soutenus par différentes puissances étrangères.
Principal allié du pouvoir syrien, la Russie a appelé ses citoyens à quitter le pays, de même que les États-Unis et la Jordanie voisine. Autre soutien clé du régime, Téhéran a aussi commencé à évacuer son personnel militaire et des diplomates, selon le New York Times, citant des responsables iraniens et de la région.
Dans ce contexte, une réunion consacrée à la Syrie a eu lieu à Doha entre les chefs de la diplomatie turque, russe et iranienne, dont les pays sont partenaires depuis 2017 du processus d'Astana initié pour faire taire les armes.
À l'issue de cette réunion avec ses homologues russe Sergueï Lavrov et turc Hakan Fidan, le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a estimé qu'un "dialogue politique" était nécessaire entre le gouvernement et l'opposition. Position aussi partagée la Russie et la Turquie, qui elle soutient les rebelles. Sergueï Lavrov a pour sa part jugé qu'il serait "inadmissible" de voir des "groupes terroristes" contrôler la Syrie.
L'aide est nécessaire
Le Qatar a lui plaidé en faveur d'une "solution politique". Depuis le 27 novembre, les forces gouvernementales se sont retirées de plusieurs régions ou ont mené des raids aériens avec la Russie et des opérations au sol contre les secteurs insurgés. En 2015, l'aide militaire russe avait été cruciale pour inverser le cours de la guerre et permettre à Bachar al-Assad de reprendre une grande partie du territoire. Mais les ressources de Moscou sont à présent mobilisées par son offensive en Ukraine.
Le mouvement libanais Hezbollah et l'Iran avaient aussi apporté un énorme soutien militaire à Bachar al-Assad mais ces deux acteurs sont considérablement affaiblis depuis la guerre dans la bande de Gaza et au Liban. Une source proche du Hezbollah a toutefois annoncé samedi que le mouvement avait envoyé 2.000 combattants en renfort dans la ville de Qousseir, proche de la frontière avec le Liban, pour la défendre en cas d'attaque des rebelles.
Si les rebelles s'emparent de Homs, la troisième ville du pays, seules Damas et la côte méditerranéenne seront encore aux mains des forces de M. Assad, dont la famille est au pouvoir depuis plus de cinq décennies. Les violences ont fait au moins 826 morts, dont une centaine de civils depuis le 27 novembre, selon l'OSDH, et au moins 370.000 personnes ont été déplacées, d'après l'ONU.