Avant d'horrifier le monde entier, c'est la photographe elle-même qui a été "glacée" par ce qu'elle venait de voir. La journaliste à l'origine des photos d'un enfant syrien de trois ans a confié jeudi les émotions qui l'ont traversée lorsqu'elle a aperçu le corps sans vie de la victime échoué sur une plage de la station balnéaire de Bodrum, dans le sud-ouest de la Turquie. Les images choc des deux enfants noyés ont fait le tour du monde relayés par les réseaux sociaux et largement reprises par la presse européenne.
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"Je suis restée figée". "Quand je l'ai vu, je suis restée figée, glacée. Il n'y avait malheureusement plus rien à faire pour cet enfant. J'ai fait mon métier", a témoigné la photographe de l'agence de presse privée Dogan, Nilüfer Demir, sur la chaîne d'information CNN-Türk.
"Voulu refléter le drame de ces gens". "Nous nous baladons régulièrement sur ces plages depuis quelques mois. Mais hier c'était différent. Nous avons d'abord vu le corps inanimé du plus petit garçon, puis celui de son frère aîné. En les photographiant, j'ai simplement voulu refléter le drame de ces gens", a-t-elle ajouté avec pudeur.
"Jamais je n'ai pensé que ces images feraient un tel effet", a affirmé Nilüfer Demir, expliquant avoir déjà photographié des migrants noyés sur les plages turques.
La mère et ses deux enfants morts dans le naufrage de leur embarcation. Le premier enfant, Aylan Kurdi, vêtu d'un tee-shirt rouge et d'un short bleu, gisait le visage contre le sable de la plage de Bodrum. La journaliste a ajouté que le corps de son frère, Galip, cinq ans, et celui de leur mère, Rehan, ont été retrouvés sur la même plage.
Ils sont morts dans le naufrage de leur embarcation, dans la nuit de mardi à mercredi, qui tentait de rallier depuis Bodrum l'île grecque de Kos, porte d'entrée dans l'Union européenne, comme des milliers d'autres réfugiés avant eux.
Le père survit au naufrage. Selon un sauveteur turc interrogé, les trois victimes sont originaires de la ville kurde de Kobané, dans le nord de la Syrie, assiégée pendant plusieurs mois par le groupe jihadiste Etat islamique avant d'être reprise en janvier par les forces kurdes. Cette famille syrienne souhaitait rejoindre le Canada, où certains de leurs proches sont déjà établis, a rapporté la presse canadienne.
Selon l'édition en ligne du Ottawa Citizen qui cite une proche, le père de cette famille, Abdullah, qui a survécu au naufrage, a confié vouloir rentrer à Kobané pour y enterrer sa femme et ses deux enfants.