Lai Ching-te a promis samedi de "protéger Taïwan des menaces et intimidations de la Chine" après son élection à la présidence de l'île, Pékin réaffirmant de son côté que la "réunification" était "inévitable". "Nous sommes déterminés à protéger Taïwan des menaces et intimidations continuelles de la Chine", a déclaré l'élu du Parti démocrate progressiste (DPP) face à ses partisans en liesse agitant des drapeaux rouges et verts. Il a félicité la population d'avoir "résisté avec succès aux efforts des forces extérieures pour influencer cette élection".
"Grave danger"
Au terme d'une campagne marquée par une forte pression diplomatique et militaire de la Chine, Lai Ching-te a remporté cette élection présidentielle à un tour avec 40,1% des voix, selon des résultats portant sur 99,9% des bureaux de vote. Il prendra ses fonctions le 20 mai. Vice-président sortant, Lai Ching-te, 64 ans, a été qualifié par Pékin de "grave danger" car son parti clame que l'île est de facto indépendante. Le pays communiste, qui considère Taïwan comme l'une de ses provinces, a réagi samedi soir en affirmant que ce vote "n'entravera pas la tendance inévitable d'une réunification avec la Chine".
"Nous nous (...) opposerons fermement aux activités séparatistes visant à l'indépendance de Taïwan ainsi qu'à l'ingérence étrangère", a mis en garde Chen Binhua, un porte-parole du bureau chinois responsable des relations avec Taïwan. Durant la campagne, la Chine avait appelé les électeurs à faire "le bon choix" et son armée a promis d'"écraser" toute velléité d'"indépendance".
"Je veux remercier le peuple taïwanais pour avoir écrit un nouveau chapitre dans notre démocratie", a déclaré l'élu dans son discours de victoire, car "nous disons à la communauté internationale qu'entre la démocratie et l'autoritarisme, nous serons du côté de la démocratie". "Nous sommes convaincus que seul le peuple taïwanais a le droit de choisir son propre président", a-t-il ajouté, promettant toutefois de "poursuivre les échanges et la coopération avec la Chine".
Les Etats-Unis félicitent Lai Ching-te mais ne soutiennent pas l'indépendance de Taïwan
Les Etats-Unis ont félicité samedi Lai Ching-te pour sa victoire à l'élection présidentielle à Taïwan, tout en réitérant ne pas soutenir l'indépendance de l'île autonome, revendiquée par la Chine. "Nous ne soutenons pas l'indépendance", a déclaré le président américain Joe Biden à la presse en sortant de la Maison Blanche. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a félicité Lai Ching-te pour sa victoire, ainsi que "le peuple taïwanais pour avoir démontré une nouvelle fois la force de son système démocratique et de son processus électoral solides".
Les Etats-Unis ne reconnaissent pas Taïwan comme un Etat et considèrent la République populaire de Chine comme seul gouvernement légitime, mais apportent néanmoins à l'île une aide militaire importante. Washington a prévu d'envoyer une "délégation informelle" sur l'île après le vote. "Les Etats-Unis sont engagés à maintenir la paix et la stabilité à travers le détroit (de Taïwan) et la résolution pacifique des différences, libre de toute pression et coercition", a déclaré dans un communiqué le secrétaire d'Etat américain.
Antony Blinken a affirmé en outre se réjouir de travailler dans l'avenir avec Lai Ching-te "pour faire progresser nos intérêts et valeurs partagés, et poursuivre notre relation non officielle de longue date, de manière cohérente" avec la position officielle des Etats-Unis. "Le partenariat entre les peuples américain et taïwanais, enraciné dans les valeurs démocratiques, continue de s'élargir et de s'approfondir à travers les liens économiques, culturels, et de peuple à peuple", a-t-il déclaré. Le président du Paraguay, un des rares pays dans le monde à reconnaître Taïwan, a félicité Lai Ching-te dans un appel vidéo : Santiago Peña s'est dit "heureux de voir Taïwan prouver une fois de plus ses valeurs via des élections démocratiques", selon un communiqué du DPP.
Modèle de démocratie
Son principal opposant Hou Yu-ih, 66 ans, candidat du Kuomintang (KMT) qui prônait un rapprochement avec Pékin, a obtenu 33,5% des votes, selon le décompte de la Commission électorale centrale. En début de soirée, il a reconnu sa défaite face à ses partisans : "Je respecte la décision finale du peuple taïwanais" et "je félicite Lai Ching-te et Hsiao Bi-khim (sa colistière, ndlr) pour leur élection, en espérant qu'ils ne décevront pas les attentes du peuple taïwanais". Le troisième candidat, Ko Wen-je, 64 ans, du petit Parti populaire taïwanais (TPP) et qui se présente comme anti-establishment, est troisième avec 26,5%. Il a lui aussi concédé la défaite.
Les Taïwanais votaient également pour renouveler les 113 sièges du Parlement, où le DPP a toutefois perdu sa majorité, selon Lai Ching-te. Dans les quelque 18.000 bureaux de vote, chaque bulletin a été brandi et lu à voix haute par les personnes chargées du dépouillement - un processus ouvert au public -, avant d'être comptabilisé. Le territoire de 23 millions d'habitants situé à 180 kilomètres des côtes chinoises est salué comme un modèle de démocratie en Asie. L'Union européenne a de son côté "salué" samedi la tenue des élections à Taïwan et "félicité", dans un communiqué, "tous les électeurs ayant participé à cet exercice démocratique".
"Allez voter"
"Plus un parti garde ses distances avec la Chine, plus je le soutiens", a confié samedi un étudiant venu assister à la soirée de résultats du DPP. "Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir d'échanges avec la Chine, mais cela ne doit pas affecter notre subjectivité", a ajouté le jeune homme, qui n'a donné que son nom de famille, Huang. Yvonne, 31 ans, partie voter à Taichung (centre-ouest) s'est dit "pas particulièrement inquiète à propos de nos relations avec la Chine, car aucun des candidats n'a osé proposer de mesure radicale".
"S'il vous plaît, allez voter pour montrer la vitalité de la démocratie taïwanaise", avait lancé dans la matinée Lai Ching-te avant d'aller déposer son bulletin dans l'urne, dans le gymnase d'une école à Tainan (sud). "Nous devrions tous chérir notre démocratie et voter avec enthousiasme". Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire. Jeudi, cinq ballons chinois ont franchi la ligne médiane séparant l'île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre.
Censure de la Chine
Samedi, des journalistes de l'AFP ont observé un avion de chasse chinois au-dessus de la ville de Pingtan, la plus proche de Taïwan. Et sur le réseau social chinois Weibo, le hashtag "Election à Taïwan" a été bloqué dans la matinée. En Chine, la couverture médiatique du scrutin a été réduite au minimum durant la campagne et samedi soir, le journal télévisé de la télévision d'Etat ne l'a même pas évoqué. Le statut de Taïwan est l'un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, premier soutien militaire du territoire, et Washington a prévu d'envoyer une "délégation informelle" sur l'île après le vote.
Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a rencontré à Washington Liu Jianchao, à la tête de la division internationale du Comité central du Parti communiste chinois. Il lui a rappelé l'importance de "maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan". Un conflit dans le détroit de Taïwan serait désastreux pour l'économie mondiale : l'île fournit 70% des semi-conducteurs de la planète et plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde transitent par le détroit.