C'est une incartade diplomatique spectaculaire. Confirmant son style atypique, le président élu américain Donald Trump a pris le risque d'une crise majeure avec la Chine, vendredi, en parlant au téléphone avec Tsai Ing-wen, la présidente de Taïwan. Or, aucun président américain n’avait parlé avec un dirigeant de Taïwan depuis 1979.
"Des liens étroits". La question du statut de la petite île au large de la Chine est très sensible. Pékin en revendique la souveraineté et Washington reconnaît ce principe d’une "Chine unique". Lors de leur conversation, sans précédent à ce niveau depuis des décennies, Donald Trump et Tsai Ing-wen "ont pris note des liens étroits en matière économique, politique et de sécurité entre Taïwan et les Etats-Unis", selon un compte-rendu de l'équipe du prochain locataire de la Maison-Blanche.
Trump se dédouane et ironise. Face aux critiques soulevées par sa discussion avec la dirigeante taïwanaise, Donald Trump a tenté de se justifier dans une série de tweets, comme il en a habitude : "La présidente de Taïwan M'A TÉLÉPHONÉ aujourd'hui pour me féliciter de ma victoire à la présidence. Merci!".
The President of Taiwan CALLED ME today to wish me congratulations on winning the Presidency. Thank you!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 3 décembre 2016
Avant d'ajouter un peu plus tard dans un autre tweet : "Intéressant le fait que les USA vendent des milliards de dollars d'équipement militaire à Taïwan mais (que) je ne devrais pas accepter un appel de félicitations".
Interesting how the U.S. sells Taiwan billions of dollars of military equipment but I should not accept a congratulatory call.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 3 décembre 2016
Agacement côté américain. La Maison-Blanche, consciente des enjeux, s’est empressée de réaffirmer son soutien à la "Chine unique" et a précisé qu’il n’y avait "aucun changement dans la ligne américaine". Christopher Hill, ex-secrétaire d'Etat adjoint pour l'Asie orientale et le Pacifique du républicain George W. Bush, a estimé sur CNN que cet entretien était "une énorme erreur", déplorant la "tendance à l'improvisation" de la future administration Trump.
La Chine "proteste solennellement". De son côté, Pékin n'a pas manqué de réagir, via son ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, qui a parlé d'"une basse manœuvre manigancée par Taïwan". "Cela ne peut tout simplement pas modifier le cadre d'une seule Chine intégré par la communauté internationale (et) je ne pense pas que cela changera la politique adoptée depuis des années par les Etats-Unis", a déclaré le ministre à la télévision hong-kongaise Phoenix TV.
Peu après, la Chine a "solennellement protesté" auprès des Etats-Unis. "Nous avons déjà transmis une protestation solennelle à la partie américaine concernée. Il faut insister sur le fait qu'il n'existe qu'une seule Chine et que Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois", a indiqué dans un communiqué le ministère chinois des Affaires étrangères.
Une diplomatie en roues libres ? Depuis son élection, l'imprévisible Donald Trump multiplie les contacts avec les dirigeants du monde, sans grande coordination avec l’actuelle diplomatie américaine. Cette semaine, il a couvert d’éloges le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif dans une conversation surréaliste, qui a stupéfié les diplomates. Avant cela, il avait dit à la Première ministre britannique : "si vous venez aux Etats-Unis, faites-le moi savoir". Une invitation pas très protocolaire. Sur sa politique étrangère, Trump continue d'entretenir le flou.