Au 90e jour de l'invasion russe de l'Ukraine, les troupes de Vladimir Poutine intensifient mardi leur offensive sur la dernière poche de résistance de la région de Lougansk, dans l'est. Après avoir éloigné les forces russes des deux plus grandes villes du pays, la capitale Kiev fin mars et début avril, puis Kharkiv (nord-est) en mai, les Ukrainiens reconnaissent depuis quelques jours des "difficultés" dans le bassin houiller Donbass, formé par les provinces de Lougansk et de Donetsk.
"Les prochaines semaines de guerre seront difficiles", a prévenu lundi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Les occupants russes s'efforcent de montrer qu'ils n'abandonneront pas les zones occupées de la région de Kharkiv, qu'ils ne rendront pas la région de Kherson (sud), les territoires occupés de la région de Zaporijjia (sud-est) et le Donbass", où ils cherchent à "éliminer tout ce qui est vivant", a-t-il encore dit.
Les principales informations :
- Les troupes concentrent leurs efforts sur la région de Lougansk
- Kiev demande davantage d'armes aux Occidentaux
- La justice russe arrête deux blogueurs qui ont discrédité l'armée
Les États-Unis lèvent l'exemption sur le paiement de la dette de la Russie en dollars
Les États-Unis ont décidé de mettre fin, à partir de 00h01 mercredi heure de Washington, à une exemption permettant à Moscou de payer ses dettes en dollars, a annoncé mardi le Trésor américain, une décision qui pourrait précipiter le pays dans le défaut de paiement.
Pour Soros, la guerre en Ukraine menace la civilisation
Le milliardaire américain George Soros a prévenu mardi que la civilisation "peut ne pas survivre" à la guerre en Ukraine, estimant toutefois que l'Europe pourrait être dans "une position plus forte" qu'elle ne le pense concernant le gaz russe. "L'invasion (de l'Ukraine par la Russie) a peut-être été le début de la Troisième guerre mondiale et notre civilisation peut ne pas y survivre", a-t-il déclaré dans un discours prononcé lors du dîner qu'il organise traditionnellement à Davos (Suisse) en marge de la réunion du Forum économique mondial.
Arrestation de deux blogueurs pour avoir discrédité l'armée russe
Un tribunal de Moscou a ordonné mardi le placement en détention par contumace de deux blogueurs russes, accusés de discréditer l'armée russe et son offensive en Ukraine. Michael Nacke, qui anime hors de Russie un blog vidéo sur YouTube comptant plus de 700.000 abonnés, est accusé d'avoir diffusé des informations mensongères sur les forces armées russes, selon le tribunal Basmannyi de Moscou, qui a ordonné son placement en détention, selon son site.
Veronika Belotserkovskaïa, blogueuse et autrice de plusieurs livres de cuisine qui vit en France, est accusée du même crime. Le tribunal a également ordonné son placement en détention par contumace, selon l'agence Tass. Il lui est reproché de s'être exprimée sur l'offensive sur son compte Instagram.
Le conflit va durer, admettent de hauts responsables russes
Le ministre russe de la Défense et le secrétaire du puissant Conseil de sécurité de Russie ont tous deux laissé entendre mardi que Moscou allait devoir combattre longtemps en Ukraine pour atteindre les objectifs de son intervention, entrée dans son quatrième mois. "Nous continuons l'opération militaire spéciale jusqu'à la réalisation de tous les objectifs, peu importe l'énorme aide occidentale au régime de Kiev et la pression sans précédent des sanctions", a dit le ministre Sergueï Choïgou, lors d'une visio-conférence avec des homologues de l'ex-URSS partiellement retransmise à la télévision.
Selon lui, les efforts russes pour éviter de faire des victimes civiles "ralentissent, bien sûr, le tempo de l'offensive, mais cela est délibéré". Un peu plus tôt, dans une rare interview accordée au journal russe Argoumenty i Fakty, le secrétaire du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev, a signifié que les opérations militaires dureraient le temps qu'il faudra. "Nous ne courons pas après les délais", a-t-il dit, "relevant que "les objectifs fixés par le président (Vladimir Poutine) seront remplis". "Il ne peut en être autrement, la vérité est de notre côté", a-t-il ajouté.
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Moscou veut cerner Severodonetsk et de Lyssytchansk
Moscou concentre précisément sa puissance de feu sur le réduit ukrainien de la région de Lougansk, essayant de cerner les villes de Severodonetsk et de Lyssytchansk. Le ministère ukrainien de la Défense a aussi évoqué d'intenses combats en cours à proximité de là, dans les environs des localités de Popasna et de Bakhmout. La chute de Bakhmout, dans la province de Donetsk, donnerait aux Russes le contrôle d'un carrefour qui sert actuellement de centre de commandement impromptu pour une grande partie de l'effort de guerre ukrainien.
Ses habitants, en tout cas, rechignent à fuir, malgré les risques : "Les gens ne veulent pas partir", se désole son maire-adjoint, Maxim Soutkovyï, devant un autocar à moitié vide prêt à emmener des civils vers des endroits plus sûrs. Dans ce secteur, "l'ennemi a amélioré sa position tactique sur le territoire de Vasylivka", a admis mardi matin l'état-major de l'armée ukrainienne, qui assure que "la plus grande activité hostile" est observée "près de Lyssytchansk et de Severodonetsk" que les Russes cherchent à "encercler".
"Severodonetsk est entièrement sous le contrôle des autorités ukrainiennes. Mais c'est vraiment très difficile. Nous comprenons que les Russes ont maintenant jeté toutes leurs forces soit pour s'en emparer, soit pour assiéger toute la partie de la région de Lougansk qui est contrôlée par l'Ukraine", a commenté mardi son gouverneur, Serguiï Gaïdaï. "Aujourd'hui, nous constatons que le nombre des bombardements à Severodonetsk a augmenté (...) Ils détruisent simplement toute la ville", a-t-il ajouté.
Severodonetsk, nouveau Marioupol ?
Le sort de Severodonetsk rappelle forcément celui de Marioupol, la grande cité portuaire du sud-est pratiquement rasée après plusieurs semaines de siège. "Nous avons de très violents combats dans les régions de Gorlovka, d'Avdiivka, de Maryinka, de Novomaryinka", a signalé le même jour Edouard Bassourine, un représentant des forces séparatistes prorusses de Donetsk.
Deux républiques séparatistes prorusses ont été proclamées en 2014 dans le Donbass et c'est pour les défendre d'un prétendu "génocide" que le président russe Vladimir Poutine avait lancé le 24 février l'invasion de l'Ukraine. Cette "opération militaire spéciale", selon les termes du Kremlin, a débuté quelques jours après que Moscou a reconnu leur indépendance.
Une avancée ukrainienne dans la région de Mykolaïv, dans le sud
Le front méridional semble quant à lui stable, bien que les Ukrainiens y revendiquent des gains territoriaux. Le commandement sud a fait état, dans la nuit de lundi à mardi, d'une "avancée" de ses divisions "à travers la région de Mykolaïv en direction de la région de Kherson", contrôlée par les Russes qui y ont introduit leur monnaie, le rouble. Il a accusé les "occupants" d'avoir tué des civils cherchant à fuir en voiture. Les forces ukrainiennes pilonnent désormais les positions russes avec des systèmes d'artillerie occidentaux tout nouvellement acheminés, notamment des obusiers américains, a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'armée ukrainienne.
Dans ce contexte, Kiev appelle instamment les Occidentaux à lui livrer davantage d'armements. "Il est trop tôt pour conclure que l'Ukraine dispose déjà de toutes les armes dont elle a besoin. L'offensive russe dans le Donbass est une bataille impitoyable, la plus vaste sur le sol européen depuis la Deuxième guerre mondiale. J'exhorte nos partenaires à accélérer les livraisons d'armes et de munitions", a ainsi lancé mardi le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba.
Au cours d'une réunion virtuelle la veille du "Groupe de contact pour la défense de l'Ukraine", vingt des 44 pays représentés s'étaient engagés à lui fournir des armements supplémentaires tandis que d'autres entraîneront son armée. Un embargo de l'Union européenne sur le pétrole russe est par ailleurs possible "d'ici quelques jours", a estimé lundi soir le ministre allemand de l'Économie Robert Habeck, alors que le sujet ne fait pour l'instant pas l'unanimité nécessaire au sein des Vingt-Sept.
234 enfants tués depuis le début du conflit
En trois mois de conflit armé, 234 enfants ont été tués et 433 blessés, a dénoncé mardi le bureau de la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova. Au total, des milliers de personnes, civils et militaires, ont péri, sans qu'il existe un bilan chiffré. Pour la seule ville de Marioupol, les autorités ukrainiennes parlent toutefois de 20.000 morts. Sur le plan militaire, le ministère ukrainien de la Défense évalue les pertes russes à plus de 29.200 hommes, 204 avions et près de 1.300 chars depuis le début de l'invasion le 24 février.
Le Kremlin pour sa part a admis des "pertes importantes". Des sources occidentales évoquent quelque 12.000 soldats russes tués. Ces chiffres sur trois mois avoisinent ceux enregistrés en neuf ans par l'armée soviétique en Afghanistan, souligne le ministère britannique de la Défense. L'Ukraine n'a pour sa part fourni aucune indication de ses pertes militaires. La guerre a aussi chamboulé la répartition de la population : plus de huit millions d'Ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur de leur pays, selon l'ONU. S'y ajoutent 6,5 millions qui ont fui à l'étranger, dont plus de la moitié - 3,4 millions - en Pologne.