C'est un pays dévasté par la guerre que Jonathan Littell a pu voir de ses propres yeux. L'écrivain franco-américain, auteur du roman Les Bienveillantes relatant l'enfer du nazisme élu prix Goncourt en 2006, a publié des textes intitulés De l'agression russe, écrits polémiques, qui font état de l'offensive de la Russie en Ukraine lancée par Vladimir Poutine le 24 février 2022, jusqu'à octobre dernier. Sur place au mois de mai 2022, l'écrivain a pu constater les dégâts provoqués par la guerre et les méthodes de l'armée russe et de la milice Wagner.
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"On a vu les pires horreurs assez rapidement, après le premier mois de la guerre, quand les troupes russes se sont retirées de la zone au nord de Kiev (Boutcha, Irpine,...). On a vu pas mal de séquelles de cette occupation", raconte Jonathan Littell, dans un entretien rare accordé à Pierre de Vilno dans Europe Soir Week-end.
Les commandants russes "ont tous la même approche"
L'auteur franco-américain a rencontré des survivants "qui ont été torturés", et des civils "qui ont eu des proches assassinés, violés, torturés, mutilés… Je ne pense pas que ça va s'améliorer tant que la Russie ne sera pas repoussée en dehors du territoire ukrainien", confie Jonathan Littell, fustigeant les méthodes barbares employées par les forces russes en Ukraine.
"Tous les commandants russes ont strictement la même approche", souligne-t-il en référence à la nomination de Valéri Guerassimov comme "commandant du groupement combiné de troupes" déployées en Ukraine en remplacement de Sergueï Sourovikine. S'il rejette le qualificatif de "boucher" pour désigner ces commandants, l'auteur avance que c'est la méthode employée par l'armée russe qui est une "boucherie". "Il s'agit quasiment d'une question de doctrine. Raser des villes où il y a de la résistance pour pouvoir les occuper, torturer et liquider tout opposant potentiel dès qu'ils occupent une zone…", énumère l'écrivain.
Une méthode "complètement archaïque"
Selon lui, cette méthode "semble subjectivement et objectivement complètement archaïque, dans le sens que c'est comme ça qu'on fait la guerre. Les Ukrainiens font la guerre d'une manière beaucoup plus contemporaine, c'est-à-dire plus légère, plus agile, plus mobile et aussi plus respectueuse des conventions internationales. La Russie, avec ses méthodes et le fait de l'agression, s'est aliénée l'entièreté de ses soutiens", analyse l'auteur, soulignant que seuls la Corée du Nord et l'Iran lui fournissaient du matériel.
"Pour moi, la méthode russe est tout simplement un aveu d'incompétence et de faiblesse, une faiblesse technologique et intellectuelle au niveau de l'endoctrinement", considère Jonathan Littell, qui a prévu prochainement de retourner en Ukraine pour continuer ses récits.