D'un côté, des centaines de manifestants d'extrême droite, poings levés, faisant parfois des saluts nazis et arborant le drapeau des États confédérés, considéré comme un symbole raciste par la majorité des Américains. De l'autre, des contre-manifestants bien décidés à s'opposer à ces défilés professant ouvertement la suprématie de la race blanche. Et au milieu, des centaines de policiers déployés. La ville américaine de Charlottesville, en Virginie, a été le théâtre de violents affrontements, samedi. Ceux-ci ont tourné au drame lorsqu'une voiture a foncé sur la foule des contre-manifestants anti-racistes, faisant un mort et plusieurs blessés.
- Pourquoi ce rassemblement ?
L'extrême droite nationaliste avait décidé de se mobiliser ce samedi 12 août pour protester contre le projet de Charlottesville de déboulonner une statue du général Lee, chef des armées confédérées pendant la guerre de Sécession. Cette statue se trouve dans un parc de la ville et un débat sur son déboulonnement avait éclaté il y a un an et demi, lorsqu'un étudiant afro-américain avait lancé une pétition en ce sens. Ce n'est pas la première fois que ce genre de décisions provoque une polémique, et cela avait déjà été le cas en mai, à la Nouvelle-Orléans (Louisiane).
Le 8 juillet dernier, quelques dizaines de membres du Ku Klux Klan s'étaient déjà rassemblés dans cette ville paisible et pittoresque. S'ils avaient été très largement surpassés en nombre par les manifestants antiracistes, les images de ces extrémistes en robe traditionnelle avaient été diffusées dans le monde entier.
- Qui sont les membres de l'extrême droite qui y participent ?
L'objectif de la droite nationaliste était de ratisser large, en agrégeant des groupuscules très disparates. La présence de différents responsables de la mouvance "alt-right", qui avaient soutenu Donald Trump pendant la campagne présidentielle l'année dernière, devait attirer de nombreux manifestants. Le Ku Klux Klan, des néo-nazis ainsi que d'autres groupes de la droite radicale et identitaire américaine ont répondu présents.
- Que s'est-il passé ?
De violentes échauffourées ont éclaté avant même le début prévu de ce rassemblement, baptisé "Unite the Right Rally". Jets de projectiles, échanges de coups de bâton, rixes... Les manifestants de la droite radicale et les anti-racistes en sont très rapidement venus aux mains, dans une atmosphère chargée de gaz lacrymogènes.
Cops need to step in. This is getting out of control. #Charlottesvillepic.twitter.com/RpI8Y17eLZ
— Christopher Mathias (@letsgomathias) 12 août 2017
Le climat était d'autant plus tendu que certains membres de milices d'extrême droite sont venus en tenue paramilitaire, fusils semi-automatique en bandoulière. En Virginie, la loi autorise en effet le port d'arme de façon ostentatoire.
As always at these things, militia group members / patriots in #Charlottesville , armed w semi-automatic rifles pic.twitter.com/AAmLhip6dT
— Christopher Mathias (@letsgomathias) 12 août 2017
Une voiture a également foncé délibérément sur les manifestants anti-racistes, faisant un mort et 19 blessés. Le véhicule de couleur sombre en a percuté un autre, lequel en a de nouveau percuté un troisième, avant de repartir vivement en marche arrière au milieu des manifestants. "Une berline noire ou grise nous a foncé dessus, elle a percuté tout le monde", a raconté un témoin à l'AFP. "Puis, elle a reculé et nous a encore heurté." Selon un homme ayant assisté à la scène, "une fille au sol a été mutilée. C'était volontaire, ils ont fait exprès de reculer."
CPD & VSP respond to 3-vehicle crash at Water & 4th streets. Several pedestrians struck. Multiple injuries. 1/2 #cvilleaug12pic.twitter.com/DdHYdL0Uvu
— VA State Police (@VSPPIO) 12 août 2017
"Je suis révolté et écœuré par cette collision automobile qui a fait beaucoup de blessés", a tweeté dans un premier temps Mike Signer, maire de Charlottesville. Une demie heure plus tard, il disait avoir "le cœur brisé qu'une vie humaine ait été perdue".
- Comment ont réagi les autorités ?
En amont, le gouverneur démocrate de la Virginie, Terry McAuliffe, avait encouragé les habitants de Charlottesville à ne pas participer à ce rassemblement. Un détachement de la Garde nationale de l'État avait par ailleurs été mis en alerte pour prévenir tout débordement. Et avait reçu l'ordre "d'agir rapidement et de façon décisive" en cas de heurts, a précisé Terry McAuliffe. Finalement, l'état d'urgence a été déclaré peu avant midi et la police a reçu l'ordre de disperser les manifestants. Elles ont organisé l'évacuation du parc public dans lequel se tenait la manifestation et ont procédé à plusieurs interpellations.
- Et la présidence ?
Par ailleurs, le couple présidentiel a réagi aux échauffourées sur Twitter. Adepte du réseau social, Donald Trump s'est fendu d'un tweet dans lequel il a appelé à "TOUS s'unir et condamner tout ce qui représente la haine". "Il n'y a pas de place en Amérique pour ce genre de violences."
We ALL must be united & condemn all that hate stands for. There is no place for this kind of violence in America. Lets come together as one!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 août 2017
Plus étonnant, sa femme, Melania Trump, d'ordinaire très discrète, a également réagi sur Twitter : "notre pays encourage la liberté d'expression, mais il faut communiquer sans haine dans nos cœurs. Rien de bon ne naît de la violence."
Our country encourages freedom of speech, but let's communicate w/o hate in our hearts. No good comes from violence. #Charlottesville
— Melania Trump (@FLOTUS) 12 août 2017
Après l'annonce d'un mort, Donald Trump s'est de nouveau exprimé. "Nous condamnons dans les termes les plus forts possibles cette énorme démonstration de haine, de sectarisme et de violence venant de diverses parties", a-t-il déclaré, sans cibler précisément l'extrême droite, depuis Bedminster (New Jersey), où il passe ses vacances.