Une centaine de personnalités, dont Elisabeth Badinter, Bernard-Henri Lévy ou Juliette Binoche, demandent dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron de condamner le viol "comme arme de guerre employée en Syrie" et "d'intervenir pour que cesse l'impunité des bourreaux". "Le viol comme arme de guerre en Syrie est un crime passé sous silence depuis le début de la révolte syrienne en 2011. Des milliers de femmes syriennes en ont été les victimes. Des milliers sont aujourd'hui encore dans les prisons du régime syrien où elles subissent les pires exactions", dénoncent 130 personnalités, philosophes, artistes, écrivains, essayistes, dans cet appel publié dans le Nouveau magazine littéraire, à paraître mercredi.
Les femmes "coupables d'être victimes". Emmanuel Carrère, Boris Cyrulnik, Daniel Cohn-Bendit, Raphaël Glucksmann, Yvan Attal, Julie Gayet, Claire Chazal, Vincent Lindon, Ariane Mnouchkine, et les membres d'IAM font également partie des signataires. "La politique du viol comme arme de guerre a été délibérée et systématique depuis le début du conflit", affirment-ils. "Dans un pays où le viol est un sujet tellement tabou", les femmes sont "coupables d'être victimes". "Si elles osent aujourd'hui briser le silence, avec tous les risques que cela comprend, c'est parce qu'elles veulent nous interpeller et que nous les aidions enfin, nous, nations occidentales, à faire en sorte que le régime de Bachar al-Assad libère toutes les femmes qui sont encore détenues et que leurs bourreaux répondent un jour de leurs crimes", poursuivent-ils, en référence au récent reportage de Manon Loizeau et Annick Cojean, Syrie, le cri étouffé, qui donne la parole à des rescapées des geôles syriennes.
7.700 femmes victimes de violences sexuelles. "Parce que nous ne pouvons rester sourds à leur souffrance et à leur appel, nous vous demandons, Monsieur le président de la République, d'aider à ce que leurs voix soient entendues et à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour obtenir la libération des milliers de femmes encore en prison en Syrie", concluent-ils. La guerre en Syrie, débutée en mars 2011, a fait plus de 350.000 morts, selon le dernier bilan fourni par l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Près de 7.700 femmes ont été victimes de violences sexuelles ou de harcèlement aux mains des forces pro-régime dont plus de 800 en prison, selon des chiffres du réseau syrien cités récemment dans Libération. Un nombre sans doute sous-estimé tant la honte éprouvée par les victimes les empêche souvent de dénoncer ces crimes.
Crimes de guerre : un volume "sans précédent" de preuves. Une juge française chargée par l'ONU de recueillir des preuves sur les crimes les plus graves commis en Syrie a dit mardi examiner un volume "sans précédent" d'informations. Dans son premier rapport présenté mardi, Catherine Marchi-Uhel explique faire face à un "volume colossal de documents attestant de crimes commis" dans le pays. Selon elle, il sera "impossible" d'enquêter sur l'ensemble des crimes. L'enquête qu'elle mène avec une vingtaine de personnes réunit des éléments susceptibles d'être utilisés en cas de poursuites pour crimes de guerre.