France 2 s’attaque au "dernier grand tabou de l’histoire de France". La chaîne du service fait le pari audacieux de diffuser mardi soir, en prime time, un documentaire en deux parties intitulé "Décolonisations" (21h05). "Le grand danger de ces histoires est de vouloir les mettre sous le tapis et de ne pas les raconter. Cela entretient un passé toxique et ne fait qu’envenimer les relations entre les Français. Oser diffuser cela en prime-time est important", soutient David Korn-Brzoza, le réalisateur du documentaire, interrogé par Europe 1. "La France n’a pas le beau rôle, on découvre une extrême violence et des archives très choquantes", prévient-il.
"La fracture" puis "la rupture"
La première partie du documentaire, "La fracture", retrace les événements de 1931 à 1954 et souligne notamment la façon dont la Seconde Guerre mondiale va rebattre les cartes de la puissance française sur ses colonies. La seconde, "La rupture", recouvre une période plus vaste, celle de 1954 à 2017, pour étudier comment la répression extrêmement violente face aux désirs d’indépendance a façonné la société actuelle.
"On a voulu faire ce documentaire parce que la décolonisation a toujours été racontée de manière morcelée. A chaque fois, c’était un peu phagocyté, on racontait l’histoire de l’Algérie et de l’Indochine. Mais à aucun moment on a pris conscience, dans le récit de la décolonisation, que c’était comme une suite de dominos qui s’effondraient les uns après les autres. Il fallait raconter cette histoire pour comprendre que la décolonisation est la plus longue guerre de la France au 20e siècle : pratiquement 25 ans !", justifie David Korn-Brzoza.
Des images d’archives inédites et colorisées
La réalisation du documentaire a demandé un travail colossal pour récupérer des heures d'images d’archives, dont beaucoup sont inédites. Elles proviennent de Madagascar, du Vietnam, de la Côte d’Ivoire, mais aussi de l’armée française, qui a ouvert ses archives pour l’occasion. Beaucoup d’entre elles ont été colorisées pour l’occasion, renforçant la force de ce documentaire d’ores et déjà acclamé par la critique.
"Le noir et blanc était une contrainte de l’époque. Si les cameramen avaient eu des caméras couleurs, ils auraient tourné en couleurs. Tout change quand on ajoute de la couleur, la violence en sort beaucoup plus et on comprend mieux les images. On capte les seconds plans, les arrières plans, ça enrichit le film", assure le réalisateur du documentaire. "Décolonisations" est d’ores et déjà disponible sur le site internet de France Télévisions, pendant une semaine.