"Bien sûr, ça va mieux", assure Fabrice Nicolino sur Europe 1 vendredi matin. À la veille du deuxième anniversaire de l'attentat de Charlie Hebdo, le journaliste, gravement blessé pendant l'attaque, continue lentement sa reconstruction. "Physiquement, je souffre encore beaucoup, tout le temps. Des douleurs neuropathiques, selon les médecins, très difficiles à contrôler. Mais je ne me plains pas, je suis vivant contrairement à mes amis", dit-il.
"Je pensais qu'ils allaient revenir m'achever". Le 7 janvier 2015, il est assis à la table de la rédaction, aux côtés de ses amis : Charb, Tignous, Elsa Cayat, Cabu et les autres. "Moi, je n'ai vu qu'un des deux frères Kouachi. Mais il était face à moi, peut-être à 2,50 ou 3 mètres, pas plus", raconte-t-il. "Les images sont très, très présentes. Elles le seront toute ma vie. J'étais juste à côté de Bernard Maris, qui était un bon ami. Il est mort, je suis vivant. Évidemment, on ne peut pas oublier une seconde", confie Fabrice Nicolino. Le journaliste reste persuadé que les frères Kouachi croyaient bel et bien qu'il était mort. "Dans les deux minutes pendant lesquelles ces imbéciles nous ont tirés dessus, je pensais constamment qu'ils allaient revenir m'achever", dit-il.
"C'est une image qui me hante". Deux ans après, Fabrice Nicolino alterne les moments heureux et les moments plus graves. "Ça dépend des moments, des jours, des situations. C'est vraiment quelque chose d'énorme. Je pense tous les jours à mes amis. Il suffit que je me lève pour que je pense à eux. C'est une image qui me hante, mais je vis. Je vis réellement. Avec des moments de joie, de plaisanteries, de détente, et des moments plus graves. Mais après tout, c'est la vie humaine", se rassure-t-il. Aujourd'hui, le journaliste "arrive à regarder devant, mais à regarder derrière aussi".
"Une ambiance très, très particulière". Contrairement à beaucoup de ses collègues, Fabrice Nicolino a souhaité retourner à Charlie. Mais les conditions de travail ultra-sécuritaires "rappellent instantanément ce qui s'est passé le 7 janvier 2015". "C'est incroyable, hallucinant. Il faut le voir, le vivre, pour se convaincre de la réalité. Il y a six portes très lourdes, des portes de coffres-forts, à franchir avec des SAS et des policiers armés. C'est une ambiance très, très particulière", décrit-il. "Je ne trouverai pas les mots exacts pour vous dire à quel point c'est difficile d'arriver dans un lieu de cette sorte, de s'installer autour d'une table et de rigoler".