Huawei est désormais le deuxième constructeur mondial de smartphones, devant Apple et derrière Samsung. Mais Huawei est bannie des marchés australien, néo-zélandais et japonais, et n'est pas la bienvenue aux Etats-Unis. Donald Trump accuse l'entreprise d'espionnage industriel. L'entreprise à notamment plusieurs coups d'avance sur la 5G, comme l'explique au micro de Philippe Vandel Romain Besnainou, qui a réalisé le documentaire "Qui a peur de Huawei ?", diffusé mardi soir sur France 5.
Dans le documentaire, Alain Juillet, ancien directeur de la DGSE, explique que si les Américains ont travaillé sur le développement de la 2, 3, et 4G, ils se sont fait doubler par les Chinois pour la 5G. "La 2G, c'était l'apparition des SMS, la 3G, c'étaient les photos, la navigation sur Internet, la 4G, la vidéo en HD. La 5G est l'amélioration de tout ça, c'est 100 fois plus rapide et en plus ça va connecter tous les objets de notre quotidien entre eux : les téléphones, les voitures autonomes, les robots, nos montres, les lunettes, les feux de circulation", détaille Romain Besnainou.
La menace d'un shutdown de la Chine
En 2025, il y aura donc 50 à 100 milliards d'objets connectés et autant d'appareils qui pourraient être potentiellement attaqués par des pirates informatiques. Dans le documentaire, un expert américain en technologie explique que la Chine pourrait envoyer un ordre en disant 'coupez tous les téléphones' ou 'interrompez les conversations téléphoniques' ou 'ralentissez tout le réseau'. "S'ils ont accès au bouton off, imaginez qu'il y ait un jour une guerre entre les Etats-Unis et la Chine. Si Huawei est dans votre réseau, ils peuvent tout arrêter", prévient l'expert.
Selon Romain Besnainou, il faut faire attention et "ne pas tomber dans la paranoïa ni être naïf". Il faut simplement être méfiant. "S'il y a un conflit entre les Etats-Unis et la Chine - et que la Chine a mis en place le réseau 5G qui va donc mobiliser tous les objets de notre quotidien et même dans le militaire -, ce que craignent les Américains et les Européens, c'est le shutdown", précise-t-il. C'est-à-dire que la Chine appuie sur le bouton off. "Ou en tout cas menace de le faire en disant 'si ça continue, on coupe le réseau' et donc vous n'avez plus les voitures, les hôpitaux... C'est le risque."
"Est-ce qu'on préfère être écoutés par les Américains ou par les Chinois ?"
Un problème supplémentaire s'ajoute à cela. Comme l'explique le secrétaire adjoint des Affaires étrangères américain dans le documentaire, en Chine, une entreprise n'a pas la possibilité de refuser un ordre venu de l'Etat, contrairement aux pays occidentaux. Certes Huawei est une entreprise privée, "mais il y a un comité du parti communiste dans toutes les entreprises privées chinoises", note Romain Besnainou. De plus, "une loi sur le renseignement passée en 2017 dit que tout citoyen ou toute entreprise chinoise est obligée de collaborer avec l'Etat et avec les renseignements si les services de renseignements le demandent", ajoute-t-il. Si aux Etats-Unis, un équivalent, le Patriot Act, existe, la situation est un peu différente car la justice et les médias sont indépendants.
Dans le documentaire, Alain Juillet explique qu'on est écouté tout le temps. La question se pose donc : "Est-ce qu'on préfère être écoutés par les Américains ou par les Chinois ? Mais la problématique est plus au niveau global des Etats entre eux et des entreprises entre elles qu'au niveau individuel", souligne l'auteur du documentaire.
Mercredi, la Chine et les Etats-Unis doivent signer un accord commercial qui est censé apaiser les tensions entre les deux géants. Et dans l'accord, "il y aura une ligne sur les transferts de technologie en Chine", explique Romain Besnainou qui ajoute que "Huawei sert de levier à Donald Trump pour ses négociations avec la Chine".