La chaîne d’information publique russe a lancé lundi à 19h sa version française, depuis des studios flambants neufs près de Paris. Le média, souvent accusé de servir les intérêts de Moscou, est déjà bien connu des Français sur Internet et les réseaux sociaux depuis deux ans, mais trouvera-il sa place dans le paysage télévisuel français ?
Comment regarder Russia Today France ?
Après avoir obtenu le feu vert du Conseil supérieur de l’audiovisuel français en 2015, Russia Today France est diffusée depuis lundi soir via le câble, le satellite, son site Internet et des box d’opérateurs qui acceptent son offre d’information. À ce jour, seul Free a accepté de diffuser RT France, sur son canal 359. "Nous sommes aussi en négociation avec les trois autres opérateurs principaux pour pouvoir dès janvier, si possible, être diffusé également par eux", a précisé la présidente de la chaîne russe en France, Xenia Fedorova, à RTL.
En quoi se distingue RT France des autres chaînes d’information ?
Depuis des studios situés à Boulogne-Billancourt, entre TF1 et Canal+, la chaîne au logo vert diffuse en continu, 24 heures sur 24, et produit 12 heures de direct par jour, dont un journal toutes les heures, précise le magazine Challenges. Informations, documentaires, talk-show : si elle entend traiter toute l’actualité, de l’échelle locale à internationale, comme les autres chaînes d’info françaises, RT France veut se distinguer par sa ligne éditoriale. "Osez questionner" : tel est le leitmotiv de la chaîne présenté sur son site Internet. "Nous poserons les questions que personne n’ose poser, nous donnerons la parole à ceux dont la voix n’a pas été entendue", affirme encore la vidéo de lancement de RT France. Lors de l'annonce en 2015 du lancement futur de Russia Today France, le précèdent président de la chaîne avait affirmé à l'AFP vouloir "donner la vision de la Russie" sur des questions internationales.
Un bras droit du Kremlin ?
Russia Today est régulièrement accusée de servir la propagande de Vladimir Poutine. "C'est une chaîne qui, d'une certaine manière, développe bien davantage un discours négatif et relativiste sur les pays occidentaux qu'un discours positif sur la Russie, susceptible de renforcer son potentiel d'attractivité", explique dans L’Express Maxime Audinet, doctorant spécialisé de la politique d’influence russe. RT "n’a rien à voir avec un média traditionnel (…) C’est un véritable canal diplomatique", estime également le correspondant à Paris du quotidien russe Kommersant, Alexeï Tarkhanov, auprès de Courrier international. Des analyses fermement rejetées par la présidente de RT France : "Que la chaîne ait été financée par l'État ne veut pas dire qu'elle est une chaîne de propagande (…) Les décisions éditoriales sont prises par les journalistes en interne, en fonction du planning et de l'actualité." De son côté, le CSA a assuré qu’il observera "constamment" les programmes de la chaîne et agira avec "promptitude" en cas d'"anomalies".
Quel public cible la chaîne russe ?
D’après sa présidente, RT France entend cibler le public qui n’est "pas satisfait des informations qu’il reçoit des grands médias plus classiques". Xenia Fedorova précise que le public ciblé n’est pas exclusivement français mais davantage francophone, et pense notamment aux pays d’Afrique du Nord et au Canada. Soit quelque 270 millions de locuteurs francophones potentiels. "Il y a un public francophone très important. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de lancer cette chaîne en français et pas en allemand", dit-elle. Après sa création à Moscou en 2005, la chaîne russe a ouvert des antennes au Royaume-Uni, aux États-Unis, ainsi que deux chaînes en arabe et une en espagnole gérées depuis la Russie.
Quels journalistes à la présentation ?
Avec un budget de 20 millions d’euros en 2018, la chaîne d’information compte s’appuyer très peu sur les revenus issus de la publicité, l’intégralité de son financement venant de l’État russe. Mais à défaut de manquer d’argent, la chaîne part avec un déficit de notoriété : peu de journalistes connus du grand public ont accepté de travailler pour elle, comme le rapportait Europe 1. Seul le recrutement d’une présentatrice historique de BFMTV, Stéphanie de Muru, a fait parler de lui.
Pour le reste, le journaliste Jean-Marc Sylvestre, 71 ans, ancien du groupe TF1, co-animera un débat chaque semaine avec l’économiste Jacques Sapir. Jean-Maurice Potier, ancien de France 3 et LCI, est par ailleurs devenu directeur adjoint de l’information. "Nous n’aurons pas d’éditorialistes présents en plateau chaque jour mais nous inviterons des experts pour analyser et commenter l’actualité", a par ailleurs indiqué Xenia Fedorova à TéléObs. Au total, la chaîne de télévision entend se doter d’une centaine de salariés, dont une cinquantaine de journalistes francophones.