La star américaine déchue du R&B, R. Kelly, reconnue coupable en septembre 2021 à New York d'avoir piloté pendant trois décennies un "système" d'exploitation sexuelle de jeunes, dont des adolescentes, a été condamnée mercredi à 30 ans de prison. Cette lourde peine contre le chanteur de 55 ans a été prononcée par le tribunal fédéral de Brooklyn, là où son procès il y a neuf mois avait levé le voile sur les crimes sexuels au sein de la communauté noire aux Etats-Unis.
L'artiste s'est "servi de sa notoriété"
L'artiste, mondialement connu pour son tube "I Believe I Can Fly" et ses 75 millions de disques vendus, n'a pas dit un mot à l'énoncé du verdict. Il était resté mutique également lors des six semaines de procès en août et septembre derniers. Les procureurs fédéraux avaient réclamé au moins 25 années de réclusion criminelle en raison du "danger" que représenterait ce "criminel, prédateur" pour ses victimes et pour l'opinion publique.
Le parquet a fustigé Robert Sylvester Kelly, alias R. Kelly, pour s'être "servi de sa notoriété (...) pour faire de jeunes, fragiles et sans-voix, ses proies à des fins de gratification sexuelle".
R. Kelly "n'a eu aucun remords"
Pour le procureur Breon Peace, R. Kelly n'a eu "que du mépris pour ses crimes dévastateurs et aucun remords pour son comportement". L'une de ses victimes, Lizzette Martinez, 45 ans, a dit devant la presse sa "reconnaissance" que "Robert Sylvester Kelly ait été mis à l'écart, qu'il reste loin sans plus pouvoir faire de mal à quiconque" après "les choses atroces infligées à des enfants". Elle avait 17 ans à l'époque.
R. Kelly, qui a raconté dans son autobiographie avoir été violé quand il avait huit ans, a été reconnu coupable en septembre 2021 de tous les chefs d'inculpation : extorsion, exploitation sexuelle de mineur, enlèvement, trafic, corruption et travail forcé, sur une période allant de 1994 à 2018.
Il a toujours nié les faits et son avocate a assuré mercredi que son client n'était "pas un monstre" et qu'il ferait appel de sa condamnation.
Une étape majeure du mouvement #MeToo
Ce procès est considéré comme une étape majeure du mouvement #MeToo : c'est la première fois que la majorité des plaignantes étaient des femmes noires et qu'elles accusaient un artiste noir.
Pour Kenyette Barnes, à l'origine du mot-dièse #MuteRKelly ("Faites taire R. Kelly") en 2017 - la même année que le mouvement mondial #MeToo déclenché par la chute du tout-puissant producteur de Hollywood Harvey Weinstein - la justice américaine a permis pour la première fois de donner écho "au sang, à la sueur et aux larmes des femmes noires" que la société américaine ne voulait pas voir.
Bien avant que les violences sexuelles ne soient un sujet pour les médias et les réseaux sociaux aux Etats-Unis, des femmes afro-américaines bataillaient pour alerter les autorités et l'opinion publique.
Des accusés ont décrit des viols et des séquestrations
Au procès, neuf femmes et deux hommes ont accusé l'artiste d'avoir abusé d'eux sexuellement, décrivant des viols, des prises forcées de drogues, des séquestrations et de la pédopornographie.
Les débats ont mis au jour le "système" de R. Kelly pour attirer de très jeunes femmes et les violer, avec la complicité de son entourage, comme dans une sorte d'entreprise mafieuse. Nombre de victimes avaient raconté leur rencontre avec leur idole lors de concerts après lesquels on leur glissait un petit papier avec les coordonnées du chanteur. Il ferait quelque chose pour leur carrière musicale, leur promettait-on.
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Au lieu de cela, elles se faisaient "endoctriner" dans le milieu "sordide" de R. Kelly, étaient forcées à des rapports sexuels et maintenues dans ce "système" par des "mesures coercitives", selon l'accusation. Six femmes ont été les principales accusatrices, dont certaines ont affirmé avoir été droguées pour être violées, séquestrées, forcées d'avorter et contaminées par des maladies sexuellement transmissibles.
Pour l'avocate Gloria Allred, qui représentait trois des six plaignantes, le verdict contre R. Kelly - au lendemain des 20 ans de prison prononcés par le tribunal de Manhattan contre l'ex-mondaine britannique Ghislaine Maxwell pour trafic sexuel de mineures - doit servir d'exemple pour les relations que peuvent entretenir les stars avec leurs fans.