L’affaire Cahuzac fait office de pain béni pour Marine Le Pen. Depuis l’annonce des aveux de l’ex-ministre du Budget, qui a reconnu avoir obtenu un compte en Suisse, la présidente du FN n’a de cesse de dénoncer un mensonge d’Etat. Elle accuse ainsi abondamment François Hollande et Jean-Marc Ayrault d’avoir tenté de couvrir l’ex-ministre. Sauf que selon Le Monde, si une personnalité politique était au courant de l’existence de ce fameux compte, c’est elle.
Le compte ouvert par un proche de Le Pen. Le quotidien du soir révèle en effet que le compte controversé de Jérôme Cahuzac a été ouvert en 1992 avec l’aide d’un certain Philippe Péninque, qui est aussi un proche de Marine Le Pen. L’homme, qui a confirmé cette information au micro d'Europe1 mardi "assurant avoir oublié parce que cela fait 22 ans", a entrepris les démarches auprès de la banque UBS au nom de Jérôme Cahuzac, qui a récupéré le compte en son nom propre en 1993, via la société financière Reyl and co, basée à Genève. "Ce qui est illégal c'est de ne pas déclarer un compte, pas d'aider à l'ouvrir. Jérôme Cahuzac avait besoin d'un compte, je l'ai aidé à l'ouvrir", déclare dans Le Monde cet ex-avocat. "Je pensais que, depuis le temps, il l'avait fermé et déclaré pour exercer les fonctions qui étaient les siennes", a-t-il ajouté sur Europe 1 se disant "atterré'.
Philippe Péninque, qui reconnaît des relations amicales avec l’ancien ministre, explique avoir glissé un mot de cette affaire à la présidente du FN. "Je lui ai dit que j'étais ami avec Cahuzac et peut-être que dans le cadre de mon activité professionnelle, j'avais ouvert ce compte", reconnaît-il dans Le Monde. Il assure cependant ne pas s'être servi de cette information et de ne pas avoir été "le maître chanteur d'un ami pour un autre ami".
Tout sauf un inconnu au FN. Marine Le Pen aura bien du mal à arguer qu’elle ne connaît pas Philippe Péninque. L’homme navigue dans les sphères de l’extrême droite depuis de nombreuses années. Jeune, rappelle Le Monde, il était membre du GUD, syndicat étudiant extrémiste souvent violent. Il est aussi un membre fondateur d’Egalité et Réconciliation, qui se définit comme "une association politique" qui rassemblent "les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique". Il a aussi réalisé l’audit du FN en 2007. Enfin, et surtout, il est actuellement l’un des conseillers officieux de Marine Le Pen.
"Absolument délirant", pour Le Pen. La présidente du FN a reconnu implicitement l’information au micro de RTL, en ne la démentant pas. "Ce n’est pas un délit", a-t-elle d’abord argué. "Rien que le fait de venir exprimer cette soi-disant information est cousu de fil blanc. Le système cherche à m’associer par un biais ou par un autre à cette affaire, ce qui est absolument délirant. J’ai été avocate. Que j’ai des amis avocats, c’est tout à fait légitime", a-t-elle poursuivi. "Si on n'a que ça à me reprocher, ça prouve que je mérite d’être présidente de la République. J’en ai la moralité et l’éthique."
Des accointances de Cahuzac à l'extrême droite ? Il semble en fait qu'outre Philippe Péninque, Jérôme Cahuzac ait noué de solides relations avec d'autres personnalités proches de l’extrême droite. Toujours selon Le Monde, c’est en fait via son ex-femme, Patricia, que l’ancien ministre aurait rencontré Jean-Pierre Eymié, un avocat parisien, lui-même ancien du GUD et proche de Philippe Péninque. Les trois amis auraient fait des affaires ensemble, se seraient renvoyés des clients, et seraient allés jusqu’à investir dans des mines au Pérou, par l’intermédiaire d’un autre "Gudard", Lionel Queudot. Selon un financier interrogé par Le Monde, "l'argent allait ensuite sur un compte UBS". L’histoire ne dit pas (encore) s’il s’agit du fameux compte qui a coûté sa place de ministre, et sans doute sa carrière politique, à Jérôme Cahuzac.