Jamais sans doute depuis 2007 et sa candidature malheureuse à la députation à Paris, on n’avait autant entendu Arno Klarsfeld. Comme si sa nomination, le 13 septembre dernier, à la tête de l’Office français de l’immigration de l’intégration (Ofii), avait libéré sa parole. DSK, Hollande, son prédécesseur Paillé, l’allégeance aux armes, l’immigration bien sûr... L’ancien avocat a un avis sur tout, et il le fait savoir en des termes plutôt directs, au risque de froisser même son propre camp.
Le premier à avoir eu l’honneur de cette parole nouvelle et libre est Dominique Paillé. Ancien porte-parole de l’UMP, l’ex-président de l’Ofii n’est aujourd’hui plus dans les petits papiers de l’Elysée. "Mon prédécesseur a critiqué le gouvernement. Il était donc normal qu'il s'en aille. De plus, il n'était pas très actif à la tête de l'OFII", a d’abord persiflé Arno Klarsfeld vendredi dernier lors de la visite des locaux de l'organisme à Toulouse. Avant d’augmenter la dose : Dominique Paillé était "un peu le Zelig de la politique française, tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt au centre", a-t-il lancé, en référence au personnage-caméléon de Woody Allen.
Hollande, "une felouque", DSK, "un prédateur"
Le ton est pareillement railleur lorsqu’Arno Klarsfeld, 46 ans, évoque François Hollande. "Comment voulez-vous que la France puisse faire valoir sa position sans quelqu'un qui est énergique, qui aille de l'avant et qui puisse imposer les choses à Poutine, à Obama, à Merkel ? C'est pas Hollande qui le fera. Hollande est comme une petite felouque à côté d'un porte-avions", a jugé le fils des chasseurs de nazis Beate et Serge Klarsfeld mardi sur RMC. Quant à DSK ? "C'est pas un séducteur, c'est un prédateur", a-t-il tranché.
Mais le plus étonnant, c’est qu’Arno Klarsfeld ne se prive pas non plus d’épingler des propositions venues de son propre camp. Et c’est même sur l’idée d’allégeance aux armes soulevée mardi par l’UMP qu’il s’est montré le plus virulent. "C'est mauvais et dangereux, et il ne faut pas que certains députés de l'UMP essaient de copier sur les copies de leurs voisins d'extrême droite", a lancé l’ex-compagnon de Carla Bruni mercredi sur France Inter. "Je crois que c'est une proposition qui est ringarde." Surtout, Arno Klarsfeld a rappelé que "le dernier serment d'allégeance qui a été fait en France, ça été au Maréchal Pétain, et tout le monde se souvient du bras levé de Bousquet, et peut-être même de Mitterrand devant le Maréchal Pétain". Hervé Mariton et Jean-François Copé, porteurs de la proposition, apprécieront…
"Des propos désinvoltes, irresponsables"
Heureusement, Arno Klarsfeld n’oublie pas toujours le camp qu’il soutient. Il a ainsi défendu, là encore en des termes inhabituels, la politique du chiffre en matière de reconduites à la frontières. "S'il n'y a pas de politique du chiffre, c'est-à-dire s'il n'y a pas d'aiguillon sur les préfets, c'est-à-dire si les préfets ne sont pas, disons, entre guillemets, emmerdés administrativement par leur hiérarchie, alors ils ne font pas le travail parce que c'est un travail qui est difficile, emmerdant, qui suscite des tracas administratifs, qui nécessite de recevoir les associations, ils se font mal voir", a-t-il estimé, toujours sur France Inter. ". "Les Roms qui sont renvoyés, disons en Roumanie, ne sont pas envoyés vers la mort, vers Auschwitz. Ils vont vers un pays où ils sont moins heureux qu'en France, mais c'est pas pour autant qu'ils peuvent rester en France".
Cette manière d’évoquer un sujet pourtant sensible a fait tomber les associations de leur chaise. "On ne peut pas attendre d'Arno Klarsfeld qu'il critique la politique du gouvernement. De là à tenir des propos aussi désinvoltes, aussi irresponsables sur la politique du chiffre, c'est proprement hallucinant", a réagi le président de la Ligue des droits de l’Homme Pierre Tartakowsky. "Arno Klarsfeld explique que ce n’est pas ‘mal’ de renvoyer les étrangers en situation irrégulière, car la France ne les renvoie pas vers Auschwitz. Chacun appréciera le ridicule de l’argument", a abondé France Terre d'Asile dans un communiqué.
Les associations vont peut-être devoir se faire au nouveau Arno Klarsfeld. Car la soif de s’exprimer n’est sans doute pas étanchée chez l’ex-avocat. A moins qu’un recadrage en règle venu du plus haut niveau de l’Etat ne vienne sous peu calmer ses ardeurs.