Ce week-end, l'UMP élit son président. Le Front national aussi. Sans surprise, Marine Le Pen, seule candidate à sa succession, sera réélue présidente du FN à l'issue du congrès du parti, qui se tient à Lyon. Mais plus que sur ce non-évènement, les regards seront tournés vers le vice-président du parti, Florian Philippot, et la députée Marion Maréchal-Le Pen, entre qui existe une rivalité larvée.
Test de popularité. En même temps que la réélection de Marine Le Pen, on connaîtra en effet dimanche les résultats du scrutin pour le comité central, sorte de parlement du parti. Florian Philippot et Marion Maréchal-Le Pen y sont tous deux candidats. Pour eux, cette élection s'est donc transformée en test de popularité chez les adhérents.
Signe que leur joute s'exacerbe, les deux protagonistes n'ont pas retenu leurs petites phrases ces derniers temps. Pourquoi Marion Maréchal-Le Pen a-t-elle été privée de discours au congrès, comme l'a révélé le Canard enchaîné. "Demandez à la vice-présidence", a-t-elle lâché dans Le Monde. La "vice-présidence", c'est Florian Philippot qui, lui, aura droit à une intervention de vingt minutes samedi… Ce dernier dément avoir réduit sa rivale au silence, renvoyant à une décision de Marine Le Pen : "ce sont les responsables exécutifs qui prendront la parole, Marion Maréchal ne l'est pas", a-t-il asséné sur Canal+.
Deux sensibilités distinctes. Mais plus que pour du temps de parole, les deux rivaux s'affrontent surtout sur le terrain des idées. Car la lutte entre l'énarque de 33 ans, coureur de plateaux télé, et la "petite-fille de", élue députée à 22 ans en 2012, est aussi celle de deux orientations différentes. "Il y a clairement deux sensibilités au FN, c'est un fait", explique à Europe 1 le chercheur Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite. "L'élection au comité central permettra aux uns et aux autres de se compter", poursuit-il.
A gauche, Philippot le national-étatiste. Ex-chevènementiste et grand artisan de la "dédiabolisation", Florian Philippot porte une ligne interventionniste, et milite pour que l'essentiel du discours frontiste porte sur les sujets économiques et sociaux. Se réclamant du gaullisme, l'homme ne manque jamais une occasion d'aller fleurir la tombe du Général. Au grand dam des nostalgiques de l'Algérie française, encore très présents dans l'électorat frontiste.
A droite, Marion Maréchal la libérale-conservatrice. En face, Marion Maréchal-Le Pen est beaucoup plus proche du FN canal historique. Plus libérale sur les questions économiques, plus présente sur les sujets de société, elle a le soutien du président d'honneur Jean-Marie Le Pen. Et son entourage compte des militants issus de l'extrême droite radicale, selon Mediapart, qui rapporte que son principal collaborateur parlementaire, qui exerce sous pseudonyme, est passé par plusieurs mouvements radicaux.
Leur désaccord s'est notamment révélé lors des débats sur la loi Taubira. Quand Florian Philippot conseillait à Marine Le Pen de rester discrète sur le sujet, Marion Maréchal-Le Pen participait à tous les défilés de la Manif pour tous. Leur dernière bisbille en date remonte au mois d'octobre : lorsqu'un élu FN converti à l'islam a été accusé d'avoir diffusé une vidéo prosélyte, Florian Philippot a milité pour sa réintégration, alors que Marion Maréchal-Le Pen s'est prononcée contre.
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Des "petites divergences au cas par cas", a reconnu Marion Maréchal-Le Pen il y a deux semaines, sur BFM TV, mais "pas des lignes contradictoires qui s'opposent". "Il n'y a qu'une seule ligne au Front national", a de son côté assuré Florian Philippot, jeudi sur France 5.
"Deux messages complémentaires". De l'avis quasi-général au FN, Marion Maréchal part favorite pour l'élection au comité central. Un succès pourrait la propulser vers des fonctions exécutives, en lui permettant d'intégrer le bureau exécutif du parti. De quoi faire triompher sa sensibilité sur celle de Philippot ? Certainement pas, répond Jean-Yves Camus : "ces deux messages sont complémentaires, car ils s'adressent à deux catégories d'électeurs différentes. Le FN a besoin de ces deux jambes pour marcher. Tant que Marine Le Pen ne sera pas au pouvoir, elle n'aura pas besoin de trancher".
Le FN n'est donc pas menacé de division interne, selon le chercheur : "avoir deux lignes, ce n'est pas le genre de la maison. La ligne du FN, c'est celle énoncée par la présidente". Par ailleurs, "la scission de 1998 (entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, ndlr) a durablement vacciné tous ceux qui pensaient qu'il y avait un espace pour deux partis". Ce qui permet à Marine Le Pen de ménager les différences, tout en gardant son statut de chef incontesté.
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