Philippe Val est relaxé et le droit à la caricature dans Charlie Hebdo préservé. En février dernier, lors du procès pour "injures raciales" après la publication de trois caricatures de Mahomet, les dirigeants du magazine avaient reçu le soutien de nombreuses personnalités, dont François Bayrou, François Hollande et Nicolas Sarkozy. L'Union des organisations islamiques de France (Uoif), un des trois plaignants, a annoncé son intention de faire appel. L'affaire sera donc rejugée dans un délai d'environ un an. La Grande mosquée de Paris a en revanche dit qu'elle ne ferait pas appel. La Ligue islamique mondiale, troisième plaignant, ne s'est pas prononcée. "Je suis content, pas uniquement pour Charlie, mais pour nous tous. C'est une bonne nouvelle pour ceux qui croient à la liberté d'expression et pour les musulmans laïcs et républicains", a dit Philippe Val. Sur les trois dessins en question, deux ne visent pas l'ensemble des musulmans mais les intégristes et ils sont donc totalement légaux, sans ambiguïté, a dit le tribunal. Le premier, initialement publié au Danemark en 2005 par le journal Jyllands-Posten, montrait Mahomet accueillant des kamikazes au paradis et déclarant : "Stop, on est à court de vierges". Le deuxième, oeuvre du dessinateur Cabu et publié en couverture de Charlie Hebdo, montrait, avec un titre "Mahomet débordé par les intégristes", le prophète qui se voile les yeux et dit : "C'est dur d'être aimé par des cons". En revanche, le troisième dessin visé, également repris de Jyllands-Posten et qui montre Mahomet portant une bombe dans son turban, est "en soi et pris isolément, de nature à outrager l'ensemble des adeptes de la foi musulmane", ajoutent les juges. Selon eux, sa publication doit cependant être replacée dans le contexte général de l'édition de Charlie Hebdo, qui traitait de l'intégrisme et des problèmes de la liberté d'expression posés par les violences ayant agité l'ensemble du monde musulman après la publication des caricatures au Danemark. "(Le dessin) ne peut qu'être regardé comme participant à la réflexion dans le cadre d'un débat d'idées sur les dérives de certains tenants d'un islam intégriste ayant donné lieu à des débats violents", écrit le tribunal. "Les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont pas été dépassées, les dessins litigieux participant au débat public d'intérêt général", conclut-il. Ce procès est parmi les premiers en Europe à traiter directement de la question soulevée par des dessins du quotidien Jyllands-Posten. Ils avaient provoqué une vague de violences dans le monde musulman et un boycottage des produits danois par de nombreux pays. La justice danoise a déjà décidé de ne pas engager de poursuites pénales sur des plaintes similaires. Les plaignants français demandaient des dommages et intérêts et la publication d'un jugement reconnaissant l'existence du délit d'"injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion", en théorie passible de six mois de prison et de 22.500 euros d'amende.