"Nous n'en sommes pas ce soir à vous dire où sont les convergences. Il y a encore demain matin". Par ces mots laissant encore pleine place au suspens, émanant de la bouche du ministre du Travail, Michel Sapin, s’achève la première journée de la "grande conférence" sociale, qui doit fixer la feuille de route du quinquennat Hollande en matière économique et sociale.
"Demain matin (mardi) est un moment très important, où à partir des analyses des constats qui ont été faits cet après-midi, des convergences pourront, je l'espère, se mettre en oeuvre", a simplement conclu le ministre lundi soir.
François Hollande, Jean-Marc Ayrault et plusieurs ministres dialoguent depuis lundi et jusqu’à mardi avec les partenaires sociaux de la marche à suivre pour "redresser le pays dans la justice", expression chère au gouvernement, tout en luttant contre le chômage. Les débats se passent dans l’enceinte du Conseil économique, social et environnemental (CESE), à Paris. Europe1.fr fait le point à mi-parcours.
"Pas là pour caler un agenda"
Les numéros un des organisations syndicales et patronales ont rencontré François Hollande et plusieurs membres du gouvernement, dont le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, dès 8h30 du matin pour une réunion préparatoire à la grande conférence. Et chacun avait ses revendications bien dans la poche en arrivant.
Bernard Thibault, patron de la CGT, a ainsi indiqué juste avant aborder cette conférence "de manière offensive", souhaitant des "mesures concrètes", "des décisions immédiates" face aux "situations d'urgence". "Nous ne serons pas là que pour discuter d'une méthode et caler un agenda", avait prévenu le responsable syndical sur RTL.
La présidente du Medef Laurence Parisot a, elle, une nouvelle fois insisté sur la nécessité d'"améliorer le fonctionnement du travail", soulignant que "les entreprises sont fragilisées". Pour la CFDT, François Chérèque a souhaité que ces deux jours permettent "de faire un beau programme pour changer les choses". Il a aussi demandé "des mesures d'urgence pour aider les plus en difficultés". Jean-Claude Mailly, numéro un de FO, s'est dit prêt à discuter d'un projet de loi sur les reprises d'entreprises, suggérant de "durcir les conditions des plans sociaux quand les entreprises peuvent payer".
"Sarkozy mettait du stress, Hollande apaise"
Durant cette réunion préparatoire, François Hollande leur a proposé d'inscrire le "dialogue social" dans la Constitution pour "mieux garantir" le modèle social, proposition qu'ils ont accueillie favorablement, même Jean-Claude Mailly, numéro un de FO, méfiant au départ. Le président y a également soulevé la question de la représentativité du patronat -serpent de mer qui divise les organisations patronales.
La rencontre avec le chef de l’Etat a été "plutôt chaleureuse", de l’avis de plusieurs participants. "Vous le savez, le président de la République a de l'humour. Nicolas Sarkozy était clivant, mettait du stress, Hollande apaise", a notamment relevé Jean-Claude Mailly.
"Il est un peu plus à l'écoute des responsables syndicaux, qu'il ne découvre pas à l'arrivée", a renchéri son homologue de la CGT, Bernard Thibault. François Chérèque a salué "une forme de détente qu'on avait perdue ces dernières années" et la patronne du Medef Laurence Parisot une atmosphère "respectueuse".
Rien comme Sarkozy
Dans la langue de Hollande, une réunion entre les syndicats et le patronat n'est pas un "sommet social" mais une "grande conférence sociale". François Hollande entend ainsi se démarquer de Nicolas Sarkozy.
Et il n’y a pas les mots qui sont pesés, pour se démarquer de "l’ex". Sous l'ère Hollande, on ne convoque plus syndicats et patronat sous les ors du Palais de l'Elysée. Là encore, la rupture est clairement affichée avec Nicolas Sarkozy.
L'ancien chef de l'Etat avait organisé un sommet social à l'Elysée dont le bilan avait été plus que mitigé. François Hollande a, lui, opté pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le lieu comprend un hémicycle et des salles de réunion de 30 à 40 places - parfaits pour instaurer "un dialogue social". "Ce n'est pas deux heures au Château avec un communiqué à la sortie", résume un conseiller élyséen contacté par le Parisien.
"Mettre la France en mouvement"
Un peu avant midi, le chef de l’Etat a tenu un discours d’introduction de plus d’une heure, devant 300 personnes issues des partenaires sociaux, mais aussi quelques élus ou membres de la société civile, réunis au siège du CESE.
"Le temps est venu de mettre la France en mouvement a-t-il tonné. Ce grand rendez-vous est avant tout un commencement, un processus nouveau, qui fixera la feuille de route qui engagera l'Etat dans les cinq années qui viennent".
Puis, François Hollande a rendu un hommage appuyé aux "corps intermédiaires". Prenant le contre-pied dans l'ancien président, il a indiqué que, sans ces partenaires sociaux, "la France ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui".
Lutte contre le chômage - sa " priorité" -, réduction de la dette, garantie du modèle sociale, le président a ensuite dressé un constat de l’état de l’économie française et égrené les thèmes de la conférence. Parmi les annonces, François Hollande a affirmé que le contrat de génération serait en vigueur début 2013.
"Il y a des tas de points compliqués"
Peu d’annonces ont finalement était prononcées à l’issue de cette première journée de conférence. "Il reviendra au Premier ministre de dire très précisément sur quoi, comment et suivant quel calendrier les décisions seront prises. La matinée de mardi sera mise à profit pour répondre à la question: que fait-on? Comment agit-on?", a assuré le ministre du Travail Michel Sapin.
Ce dernier s’est tout de même réjoui de "l'appétit de débat et de dialogue" des participants. "Aucun sujet n'a été tabou, tous les sujets ont pu être abordés", a-t-il insisté en précisant qu'à sa table ronde (Emploi) "nous avons parlé très clairement, directement des licenciements". "Il y a des tas de points compliqués, sinon on ne serait pas là" nous allons voir demain comment des positions à un moment contradictoires peuvent converger vers le donnant-donnant", a-t-il ajouté.
On a tout de même appris de source syndicale, à l’issue de cette première journée, que le financement de la protection sociale devrait faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux en 2013, afin d'inclure une éventuelle réforme dans le budget de la sécu 2014.
Concernant, enfin, une éventuelle hausse de la CSG pour financer la protection sociale, préconisée par la Cour des comptes, "le gouvernement n'a encore rien dit", a informé le secrétaire général de la CFDT François Chérèque. Là encore, il faut attendre mardi, que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault prenne la décision finale.