Une réunion tendue. Le rendez-vous s’annonce des plus houleux. Après son déjeuner avec François Hollande à l’Elysée, Martine Aubry rencontre mardi à 16h François-Henri Pinault, le PDG de Kering, propriétaire de La Redoute, menacée par un nouveau plan social d’envergure. Le groupe prévoit de céder la société de vente à distance d’ici la fin de l’année. 700 emplois sur 2.500 devraient être supprimés, notamment dans les communes nordistes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos.
Aubry en a fait un combat personnel. Très discrète depuis des mois, la maire de Lille est sortie de sa réserve avec le dossier La Redoute, qu’elle a pris à bras le corps. La dame des 35 heures ne s’est pas contentée de rencontrer les responsables syndicaux pour leur apporter son soutien. Dans la presse, à plusieurs reprises, l’ancienne ministre du Travail a tiré à boulets rouges sur Kering, reprochant au groupe d’avoir laissé "pourrir" la situation de l’entreprise. "La société dirigée par François-Henri Pinault a laissé La Redoute s'enfoncer. Les investissements nécessaires à la formation des salariés, à la modernisation de l'informatique et de la logistique n'ont pas été faits. C'est irresponsable de se comporter ainsi", déclarait Martine Aubry, la semaine passée au Journal du dimanche.
Le gouvernement s’y met aussi. Dans ce combat, Martine Aubry peut compter sur le gouvernement, qui, lui aussi, met la pression sur François-Henri Pinault. Vendredi dernier, le gouvernement a demandé au groupe de surseoir à toute décision sur la cession de La Redoute afin d'ouvrir une phase de dialogue avec l'Etat, les salariés et les élus concernés sur le sort industriel de l'entreprise. "Toute décision apparaissant comme prise dans la précipitation serait de nature à radicaliser les positions et à aggraver les incompréhensions", peut-on lire dans un communiqué d’Arnaud Montebourg et Sylvia Pinel.
Et les deux ministres d’ajouter : "Garantir que seront financées par le groupe Kering les mesures d'accompagnement social que le repreneur devra mettre en oeuvre ne saurait tenir de stratégie industrielle ni apporter aucune espèce de garantie s'agissant de l'avenir de l'entreprise", ajoutaient encore les ministres du Redressement productif et du Commerce. Pour le moment, Kering essaie de gagner du temps et a déclaré étudier les projets de reprise d'un fonds d'investissement et d'un industriel - "l'un anglo-américain avec des activités en France et avec une vocation industrielle, l'autre français" -, ajoutant qu'il ferait connaître son choix dans les prochaines semaines.
Un activisme payant ? En première ligne dans le dossier La Redoute, Martine Aubry prouve son engagement "à gauche" à l’heure où un remaniement et un changement de cap sont à nouveau demandés à François Hollande. Les proches de la maire de Lille balaient d’un revers de main l’éternel spectre de Matignon. Tout en rappelant les valeurs de gauche de l’ancienne candidate à la primaire socialiste. "Elle est identifiée politiquement comme une défenseur de l'emploi. Le travail est un marqueur de sa carrière : n'oublions pas qu'elle a été ministre du Travail pendant cinq ans", prend soin de rappeler à l’Express l’un de ses fidèles, le député PS de l’Ardèche Olivier Dussopt.